Billet de blog

Une nouvelle histoire d’horreur minière ? Le projet Ambatovy de la Société Internationale Sherritt à Madagascar.

Jamie Kneen

National Program Co-Lead

de Joan Kuyek

« Construire un avenir meilleur et durable. Ambatovy est l’une des entreprises industrielles les plus ambitieuses de l’histoire de Madagascar, de l’Afrique subsaharienne et de cette région de l’Océan indien. D’ici peu et pendant les trois décennies à venir, la production annuelle d’Ambatovy s’élèvera à 60 000 tonnes de nickel raffiné et 5 600 tonnes de cobalt raffiné. Ambatovy est bien placée pour devenir d’ici 2013-2014 la plus grande mine de nickel latéritique du monde L’ambition d’Ambatovy est de créer une prospérité à long terme pour toutes les partie prenantes, et d’apporter une contribution considérable au développement durable de Madagascar » [1] selon le site internet du projet de Sherritt International Corporation.

Une autre société minière dont le siège et les fonds levés se trouvent au Canada apparaît comme un créateur de misère en Afrique. Des groupes de la société civile tels que TANY ‘Collectif pour la défense des terres malgaches) [2] demandent à ce que le gouvernement de Madagascar oblige le projet à réaliser effectivement ses promesses en termes de protection de l’environnement, d’emplois locaux et de responsabilité sociale en révisant les lois et règlementations malgaches sur les extractions minières et les investissements.

Le projet Ambatovy de Sherritt International dans l’Est de Madagascar – dont le coût d’investissement s’élève à 5,5 milliards USD et dont le début de la production est prévu ce mois-ci – comprendra des mines d’extraction à ciel ouvert, un parc de stockage des minéraux, des entrepôts de résidus, une fonderie hydro-métallurgique, un pipeline de 220 kms, des routes et des installations de transformation avant l’embarquement au Port de Toamasina. Le projet s’arrêtera dans 29 ans.

Les milliers d’habitants qui vivent près des équipements ont déjà beaucoup de soucis à cause de la mine. Ils disent que leurs champs ont été détruits, l’eau est sale, les poissons dans les rivières sont morts, et il y a eu des glissements de terrains près de leur village [3]. Pendant les essais de la nouvelle usine, il y a eu au moins quatre fuites différentes de dioxyde de soufre venant de l’installation hydro-métallurgique (les 26 février, 8 mars, et 13 mars à 10h du matin puis à 12h30)[4]. Les villageois disent que ces fuites ont tué au moins deux adultes et deux bébés et ont rendu malades au moins 50 personnes. En janvier, les travailleurs d’Ambatovy embauchés pendant la période de construction puis licenciés ont commencé une grève dure, soutenant que les emplois qui leur ont été promis une fois la construction terminée ne se sont pas matérialisés. Les riverains des villes comme Moramanga disent que leurs filles sont de plus en plus engagées dans la prostitution. Ils disent également qu’ils ne peuvent plus compter sur la vente de produits alimentaires sur les marchés et qu’Ambatovy importe la nourriture pour son personnel d’Afrique du Sud. [5]

Le Rapport de Développement Durable 2010 de la société, sur son site internet [6] décrit les énormes bénéfices sociaux et économiques que le projet anticipe pour les communautés locales, incluant des emplois, l’éducation, les soins de santé, la relocalisation et la durabilité de l’agriculture.

Dans les années 1990, sous la pression de la Banque Mondiale et d’autres conglomérats miniers tels que Rio Tinto, le Gouvernement de Madagascar a changé sa législation sur les mines, les investissements étrangers et l’environnement pour faciliter les projets d’extraction minière énormes comme Ambatovy dans l’espoir de gains substantiels pour le budget national. [7]. En fait, la Loi sur les Grands Investissements Miniers (LGIM) adoptée en 2001 attestera que le gouvernement n’interviendra que très peu, que le plan d’action environnemental sera subordonné aux besoins des investisseurs, et – à cause de la “clause de stabilité” - les populations n’auront aucun pouvoir pour changer les lois même si elles veulent le faire.

Les documents de la société indiquent que la société est obligée de payer :

  • 250 000 USD par an de charges pour les 50 ans de location de droits miniers à l’Etat malgache (sujet à ajustement indexé sur l’inflation tous les deux ans)
  • Une taxe foncière annuelle équivalant à 1% de la valeur de la terre
  • Un impôt annuel de propriété équivalant à 1% de la valeur de location des constructions. Avec une exemption d’impôts pendant 5 ans.
  • Des redevances minières payables lorsque la mine sera en production équivalant à 1% de la vente des métaux [8]

Sherritt affirme que ces paiements “génèreront des dizaines de millions de dollars de revenu annuel pour le Gouvernement de Madagascar durant la vie du projet. Le montant exact des revenus est difficile à prévoir, à cause de la fluctuation du prix du nickel et du cobalt sur le marché, du coût variable des matières premières (tels que le charbon, le calcaire et le sulfure), de l’inflation et d’autres facteurs” [9]

La mine est située sur un plateau à environ 1 100 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le gisement s’étend sur 1 300 hectares. Selon la société, “ de petits ruisseaux prenant leurs sources dans la zone de la mine coulent dans toutes les directions formant une configuration de six bassins”[10]. La zone est couverte de forêts naturelles riches en biodiversité et des compensations relatives à la forêt ont été négociées avec les institutions environnementales et l’ONE (agence gouvernementale pour l’environnement). Le fleuve Mangoro est la source d’eau pour le site minier et fournira les quantités d’eau extraordinaires qui seront nécessaires pour faire glisser le minerai dans le pipeline de pulpe vers la fonderie.

L’extraction se fera en exploitation “à ciel ouvert”. Le minerai sera traité sur place, les déchets seront déposés dans les zones en bordure de la mine et utilisés pour les routes. Le minerai traité lui-même sera mélangé à l’eau et envoyé à 220 kms par pipeline vers une usine de transformation près du port de Toamasina. Là il sera soumis à un processus de filtrage utilisant de l’acide sulfurique, du sulfure d’hydrogène et de la chaux.

Les résidus du filtrage seront stockés à perpétuité dans un parc de stockage. Le processus produira du nickel, du cobalt et du sulfate d’ammonium (un engrais). Le produit fini sera envoyé en Corée, au Japon et sur d’autres marchés internationaux.

Aucune obligation à la fermeture n’a été demandée. Considérant que même si la société estime qu’une réclamation coûtera environ 80 millions USD, ceci est une omission grave.

SVP écrivez à:

Mr Omer BERIZIKY
PREMIER MINISTRE DE LA TRANSITION
Antananarivo - MADAGASCAR
[email protected]

Mr Hajo ANDRIANAINARIVELO
VICE PREMIER MINISTRE chargé du Développement et de l'Aménagement du Territoire
Antananarivo - MADAGASCAR
[email protected]

Mrs Daniella RANDRIAFENO
MINISTRE DES MINES
Antananarivo - MADAGASCAR
[email protected]

Mr Julien REBOZA
MINISTRE DE L'EAU
Antananarivo - MADAGASCAR
[email protected]

Mrs Johanita NDAHIMANANJARA
MINISTRE DE LA SANTÉ PUBLIQUE
Antananarivo - MADAGASCAR
[email protected]

COLLECTIF TANY
pour la défense des terres malgaches
Maison des Associations du 11ème arrondissement
75011 – Paris – FRANCE
[email protected]

[1] http://www.ambatovy.com/docs/

[2] http://terresmalgaches.info 6 April 2012: “Puisque les autorités envisagent une révision des textes régissant les investissements miniers, le moment n’est-il pas venu de mettre le doigt fortement sur la réalisation des études d’impact environnemental de manière plus indépendante et plus efficace et sur le respect effectif de chacun des termes du cahier des charges dans le domaine environnemental et social ? et de revoir les conditions qui amèneront les contrats d’exploitation miniers à générer réellement des « profits pour le pays et les communautés locales?”

[3] Gramlich, Beatrix. “Terres Volees.” Kontiente- the Mission-Magazine, 1/2012 (traduit)

[4] http://www.tananews.com/2012/03/malagasy-tetikasa-ambatovy-raikitra-indray-ny-fitokanna/

[5] Gramlich, Beatrix. “Terres Volées.” Kontiente- the Mission-Magazine, 1/2012 (traduit)

[6] http://www.ambatovy.com/docs/wp-content/uploads/AmbatovyMagEng2011.pdf

[7] Sarrasin, Bruno. “Mining and Protection of the Environment in Madagascar” in Campbell, Bonnie (ed). Mining In Africa: Regulation and Development. 2009. Pluto Press.

[8] Sherritt, March 2012 AIF page 16

[9] http://www.ambatovy.com/docs/wp-content/uploads/AmbatovyMagEng2011.pdf

[10] Sherritt, March 2012 AIF page 16