Guide sur les nouvelles « autorisations pour les travaux d’exploration à impacts »

Rodrigue Turgeon

National Program Co-Lead

Le 6 mai 2024 entrera en vigueur une modification réglementaire au Règlement sur les substances minérales autres que le pétrole, le gaz naturel et la saumure. Cette modification réglementaire vise à améliorer la prise en compte des préoccupations des populations affectées par la réalisation de travaux d’exploration dits « à impact ». Mais en quoi consistent ces changements concrètement ? En bref :

  • Les travaux d’explorations dits « à impacts » nécessiteront l’obtention préalable d’une autorisation (autorisation pour les travaux à impacts, ou ATI);
  • Cette ATI nécessitera l’envoi, par le titulaire du titre minier (claim) à la direction-générale (DG) de la municipalité et/ou aux conseils de bande des communautés autochtones habitant le territoire concerné, d’une brève description des travaux qu’il souhaite réaliser. Sur réception de cet avis, la DG de la municipalité aura 10 jours et les communautés autochtones auront 30 jours pour faire parvenir leurs questions et commentaires au titulaire du titre minier. Le titulaire devra répondre à ces questions et commentaires, et recevra ensuite son ATI;
  • Aucune forme de « consultation » additionnelle n’est prévue, il ne s’agit que d’un échange d’informations sur certains travaux d’exploration. Au sein des municipalités, seule la direction générale recevra ces informations de la part de l’entreprise. Pas les citoyen-ne-s ni les propriétaires ou locataires. Pareillement au sein des communautés autochtones;
  • Les travaux d’exploration « à impacts » comprennent : « les travaux effectués avec de la machinerie utilisant la force hydraulique ou des travaux utilisant des explosifs » (excavation, décapage, échantillonnage en vrac, sondage, levés géophysiques sismiques de réfraction) et « les travaux effectués avec une pompe hydraulique à des fins d’orpaillage » (Analyse réglementaire, p.7). Ces travaux représentent à peine 3,75% des travaux d’exploration (ibid., p.6) sur l’ensemble de la province;
  • Les demandes de permis d’exploration seront potentiellement jumelées aux demandes de « permis d’intervention forestier[s] dans les forêts du domaine de l’État » (ibid., p.20), et le ministère mettra, à disposition de l’industrie, « une prestation électronique de services » (ibid.) pour l’ATI et son renouvellement;
  • Il est attendu qu’environ 130 demandes d’ATI réparties sur l’ensemble du territoire de la province soient déposées chaque année;
  • Ni les municipalités, ni les communautés informées de la tenue de ces travaux, ni même la ministre des Ressources naturelles n’auront le pouvoir de refuser la réalisation de ces travaux « à impacts ». La ministre peut seulement imposer des conditions pour encadrer les travaux. Ces demandes d’ATI ne seront qu’un simple partage d’information, sans pouvoir discrétionnaire octroyé aux acteur-trice-s concerné-e-s.
     

Bien qu’elles témoignent d’une volonté du ministère d’informer les populations locales de la réalisation de travaux miniers, ces modifications réglementaires ratent leur cible devant l’importance d’obtenir le consentement préalable, libre et éclairé de toute population impactée par ces travaux à vocation économique. Considérant que les Premières Nations estiment que la Couronne contrevient à son obligation de les consulter dès le moment de l’émission des claims miniers, il est difficile d’affirmer que cette nouvelle procédure qui intervient après l’émission des claims miniers change la donne.

Voici ce que la description détaillée de chacun des travaux à impacts projetés par le promoteur doit inclure suivant le règlement :

  • La nature des travaux et la méthode de réalisation;
  • La superficie visée et le volume de substances minérales à extraire;
  • Le nombre de forages planifiées le cas échéant;
  • La durée prévue des travaux et la période où ils seront réalisés;
  • Le lieu où seront réalisés les travaux;
  • Une description sommaire des mesures de restauration proposées le cas échéant.

Cependant, gardons à l’esprit qu’une consultation digne de ce nom devrait comprendre :

  • La tenue d’assemblées publiques, ouvertes à tous et à toutes, tenues à plus d’une occasion et permettant la présentation d’informations détaillées et indépendantes (qui ne soient pas uniquement produites par l’entreprise) sur les impacts qu’auront ses travaux;
  • Une rétroaction transparente pour témoigner de l’intégration des commentaires et des questions dans la réalisation des travaux;
  • Des détails sur les mesures de mitigation qui seront appliquées pour adresser les impacts attendus, ainsi que sur les zones sensibles ou éléments d’intérêt du territoire qui doivent être considérés dans la planification des travaux;
  • Des détails sommaires sur la compagnie elle-même : de qui s’agit-il ? Quel minerai cherche-t-elle ? Son financement est-il de nature publique ou privée ?
     

En réponse à ces modifications, et en vue que ces échanges avec le promoteur soient le plus utiles possible, nous vous encourageons, selon votre intérêt ou vos besoins à :

  • Communiquer à la direction générale de votre municipalité ou à votre conseil de bande votre besoin d’être consulté-e lors de la réception des informations relatives aux ATI que leur enverront les compagnies minières;
  • Communiquer au ministère (MRNF) votre intérêt à ce que des fonctionnaires de liaison soient mis à la disposition de la population pour obtenir le même niveau d’information et de réponses à vos questions et commentaires que l’industrie minière;
  • Revendiquer que ces communications soient systématiquement mises en ligne, puisque ces travaux auront des impacts sur des éléments du bien commun (l’eau, le territoire, la qualité de vie, etc.).
    Compléments :

Pour en savoir davantage sur le développement et les impacts sur l’eau d’un projet minier, ainsi que sur l’élaboration d’une saine mobilisation citoyenne, nous vous invitons à consulter notre Guide citoyen traitant de ces enjeux.

Voir aussi nos commentaires conjoints avec Eau Secours et MiningWatch Canada d’octobre 2023 sur le projet de règlement avant qu’il n’entre en vigueur.

Ainsi que la Directive concernant l’autorisation pour travaux d’exploration à impacts du ministère des Ressources naturelles et des Forêts entrée en vigueur le 7 février 2024.

Source : Coalition Québec meilleure mine

Pour information:

  • Rodrigue Turgeon, avocat, Coalition Québec meilleure mine et MiningWatch Canada, 819-444-9226, [email protected]
  • Émile Brassard, Analyste minier, Eau Secours,  [email protected]