(Québec, 19 novembre 2019) Réunis aujourd’hui en point de presse avec des députés de l’Assemblée nationale, une coalition d’élus municipaux, d’experts, de citoyens et d’organismes environnementaux appelle Québec à mettre en œuvre 5 conditions afin que l’électrification des transports ait meilleure mine. La coalition réagissait à l’annonce faite ce matin par le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, M. Julien, lors de l’ouverture officielle du Congrès Québec Mines + Énergie.
« Nous accueillons favorablement l’annonce de consultations, mais demeurons préoccupés par le format de ces consultations et par le manque de considérations des impacts sociaux, environnementaux et économiques dans l’annonce faite ce matin, et ce, pour l’ensemble de la chaîne de production minérale, de la mine aux véhicules électriques », affirme Ugo Lapointe, de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine.
Raôul Duguay, artiste et porteur d’eau national à Eau Secours : « On ne peut pas prétendre à des technologies «vertes» et à des modes de transport «propres», sans d’abord nettoyer les sites miniers contaminés, resserrer les règles environnementales encore trop laxistes, protéger l’eau et les milieux sensibles, et véritablement appliquer le principe pollueur-payeur ».
Dans une motion que la coalition espère voir passer à l’unanimité mercredi à l’Assemblée nationale, elle souhaite «Que l’Assemblée nationale demande au gouvernement du Québec de s’engager à développer une Politique de production et de consommation responsables des minéraux stratégiques visant l'électrification des transports dans le cadre du Plan d’électrification et de changements climatiques ».
La coalition appelle à des politiques publiques et fiscales visant 5 grands axes :
1. Réduction à la source : prioriser les investissements dans le recyclage et l’économie circulaire, les modes de transport et de consommation à la fois sobres en carbone et en matériaux, le transport collectif, le covoiturage, les véhicules économes; de réelles mesures bonus/malus pour décourager les gros véhicules énergivores; modifier le mode de financement des municipalités pour stopper l’étalement urbain.
2. Protection de l’environnement : assujettir toute nouvelle mine à une évaluation environnementale et des consultations du BAPE—l’équivalent se fait déjà pour le nord du Québec; interdire toute exploitation minière à proximité des milieux écologiques sensibles, dont les eskers d’eau potable, et prioriser l’atteinte des objectifs d’aires protégées partout au Québec -- il y a beaucoup de retard dans le sud du Québec.
3. Aménagement du territoire et respect des collectivités locales : revoir les lois et les cadres actuels afin de donner davantage de pouvoirs aux municipalités, MRC et Nations Autochtones pour protéger les milieux sensibles de leurs territoires, notamment les milieux de villégiature, de récréotourisme, d’écotourisme, de foresterie durable (ex: Loi sur les mines, Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, Orientations gouvernementales pour les “territoires incompatibles à l’activité minière”)
4. Principe pollueur-payeur : exiger des garanties financières solides pour le nettoyage des sites miniers contaminés aux frais des entreprises et non des Québécois, incluant un fonds financé en partie par l’industrie pour les sites abandonnés dont la dette s’élève à 1.2 milliard; renforcer la capacité des ministères et les sanctions pénales en cas d’infractions environnementales.
5. Critère d’investissement responsable : revoir et renforcer les critères sociaux, environnementaux et économiques d’Investissement Québec et la Caisse de dépôt et placement, notamment dans le secteur minier, en collaboration d’experts indépendants et diverses parties prenantes.
Des représentants de la coalition rencontreront le ministre Julien plus tard cet après-midi. Ils déposeront également des mémoires dans le cadre des consultations publiques. « Souhaitons que ces consultations seront transparentes et ne seront pas inutiles, comme on a trop souvent vu par le passé. Souhaitons que le ministre sera à l’écoute et apportera de réels changements au statu quo », de conclure Denis Fillion, pro-maire de Grenville-sur-la-Rouge.
Pour information :
- Ugo Lapointe, Coalition pour que le Québec ait meilleure mine, MiningWatch Canada, c.514-708-0134
- Simone Lirette, attachée de presse du caucus de Québec solidaire, (514)994-5095 - [email protected]
- Thomas Gaudreault, attaché de presse du Parti Québécois, (418) 456-2282 - [email protected]
FAIT SAILLANTS
- GES : L’extraction et la transformation des minéraux contribuent à plus de 10% des GES[6].
- Déchets miniers : Pour plusieurs minéraux, chaque tonne produite génère 100 à 1 million de tonnes de déchets miniers. La production de déchets miniers a bondi de plus de 300% en 10 ans au Québec et à l’internationale[1], et représente de loin la principale source de déchets solides au Québec—soit plus de 20 fois la quantité des déchets domestiques destinés à l’enfouissement. Ces déchets miniers contiennent des substances toxiques pour l’environnement qui doivent être sécurisés à perpétuité.
- Déversements miniers : Les déversements catastrophiques de déchets miniers sont en hausse de 55% depuis 1990[2], occasionnant d’importants impacts environnementaux et des pertes de vies humaines. Plus de 20 déversements ont été répertorié au Canada depuis 2008, dont 6 de plus de 1 millions de litres de résidus miniers[3].
- Contrôle de la pollution de l’eau : Une enquête d’Environnement Canada révèle que 76% des mines de métaux au Canada ont des effets sur les écosystèmes aquatiques, dont 92% « pourraient être indicatifs d’un risque élevé pour l’environnement », et ce, malgré que 95% des effluents contaminés des entreprises rencontrent les normes actuelles—ce qui indique que les normes actuelles ne sont pas adéquates.[4] La récente enquête de la Commissaire fédérale à l’environnement a également révélé qu’il y a des manquements dans l’application des sanctions pénales et que 65% des mines au Canada n’ont pas fourni de données sur leurs effets sur les milieux aquatiques. [5]
- Boom minier les minéraux utilisés dans l’électrification des transports : La Banque mondiale et l’Institute for Sustainable Futures (Australie) prévoient des boom de la demande en lithium (965% à 8845%), en cobalt (585% à 1788%), en graphite (plus de 383%) et en nickel (108% à 313%) d’ici 2050 pour rencontrer les objectifs de Paris (scénario 1.5 à 2.0deg), principalement pour l’électrification des transports et le stockage d’énergie dans les piles[6]. Au Québec, une récente analyse rèvele un boom en dépenses minières pour le graphite (50%) et le lithium (789%) depuis 5 ans, notamment dans les régions de l’Outaouais, Laurentides, Lanaudière, la Côte-Nord, l’Abitibi-Témiscamingue et le Nord-du-Québec.[7]
- Réduction à la source, recyclage et économie circulaire : Des politiques proactives et des investissements massifs dans les infrastructures de récupération, réutilisation et recyclage pourraient aider à combler 30 à 50% de la demande de plusieurs minéraux utilisés dans les transports électriques, mais non sans difficultés.[8]
Étaient présents lors du point de presse (ordre alphabétique):
- Diego Creimer, responsable affaires publiques et communications, Fondation David Suzuki
- Raôul Duguay, artiste et porteur d’eau national à Eau Secours
- Normand Éthier, porte-parole de SOS-Grenville-sur-la-Rouge
- Denis Fillion, pro-maire de Grenville-sur-la-Rouge
- Sylvain Gaudreault, porte-parole en environnement et lutte aux changements climatiques, Parti québécois
- Pierre Langlois, consultant-expert en mobilité durable et en électrification des transports
- Ugo Lapointe, Coalition pour que le Québec ait meilleure mine, MiningWatch Canada
- Émilise Lessard-Therrien, responsable, développement et vitalité des territoires, Québec Solidaire
- Alice-Anne Simard, directrice générale de Nature Québec
- Louis St-Hilaire, porte-parole du Regroupement pour la protection des lacs de la Petite-Nation
- Rodrigue Turgeon, Comité citoyen pour la protection de l’esker
Non présents, mais appuyant également les demandes:
- Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie à Greenpeace Canada
- Daniel Breton, ex-ministre de l’Environnement du Québec et expert en électrification des transports
- May Dagher, porte-parole de la Coalition des opposants à un projet minier en Haute-Matawinie
- Marie-Êve Maillé, consultante et marraine de la campagne Solidarité Grenville-sur-la-Rouge
- Marc Nantel, Regroupement Vigilance Mines de l’Abitibi-Témiscamingue
- Paul Piché, artiste et parrain de la campagne Solidarité Grenville-sur-la-Rouge
- Colleen Thorpe, directrice générale à Équiterre
- Daniel Tokatélof, Association pour la protection du Lac Taureau
- Tous les membres de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine
[1] Sources: http://www.quebecmeilleuremine.org/sites/default/files/2018-11-CoalitionQuebecMeilleureMine-TableauDechetsMiniers.pdf (2018) et https://miningwatch.ca/sites/default/files/muddpresentationmining-v-mine-waste.pdf (2019)
[2] Sources : http://www.grida.no/publications/383 (2017) et https://worldminetailingsfailures.org/ (2019)
[3] Sources : https://miningwatch.ca/sites/default/files/2017-08-emmc-table2.pdf, http://www.quebecmeilleuremine.org/sites/default/files/2018-01-23-BAPEMontWright-RV.pdf
[4] Sources : https://www.ec.gc.ca/esee-eem/default.asp?lang=En&n=F2078C08-1&offset=7&toc=show (2017) et https://miningwatch.ca/sites/default/files/2019-04-05-miningwatchcanada-cesdreport_7_0.pdf (2019)
[5] Source : https://miningwatch.ca/sites/default/files/2019-04-05-miningwatchcanada-cesdreport_7_0.pdf (2019)
[6] Sources : https://miningwatch.ca/sites/default/files/dexhragepresentation-climate-smartmining.pdf (2017) et https://miningwatch.ca/sites/default/files/earthworksutspresentation.pdf (2019)
[7] Source : http://www.quebecmeilleuremine.org/sites/default/files/2019-11-BoomLithiumGraphite-Analyse.pdf
[8] Source : https://miningwatch.ca/sites/default/files/earthworkskeyfindingsupdated.pdf