PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE
Exploitée par ArcelorMittal, la mine de fer du mont Wright, près de Fermont, est la plus grande mine à ciel ouvert au Canada.
La filiale canadienne du géant sidérurgique a été reconnue coupable à plus de 90 chefs dans des faits s’étant déroulés de 2011 à 2013
JULIEN ARSENAULT, LA PRESSE
Déversements nocifs, déclarations « fausses ou trompeuses », rapports incomplets et omission de tests : ArcelorMittal multipliait les infractions environnementales il y a une décennie au complexe minier de Mont-Wright, sur la Côte-Nord, tranche la Cour du Québec.
La filiale canadienne du géant sidérurgique établi au Luxembourg a été reconnue coupable à plus de 90 chefs d’accusation déposés en vertu de la Loi sur les pêches ainsi qu’au Règlement sur les effluents des mines de métaux, conclut la juge Julie Riendeau, dans son jugement rendu en octobre dernier. C’est plus de 90 % des chefs d’accusation qui avaient été déposés à son endroit.
Les faits reprochés se sont déroulés de 2011 à 2013 et sont regroupés dans six catégories d’infractions.
Impossible pour l’instant de savoir quelle sanction sera imposée à la multinationale, qui a interjeté appel de la décision. Le dossier doit revenir devant le tribunal lundi. Les observations sur la peine devraient avoir lieu en 2022.
ArcelorMittal a notamment été reconnue coupable d’être responsable du rejet d’une « substance nocive » dans le lac Webb, au sud du complexe, « dans des eaux où vivent des poissons ». La concentration des effluents miniers – des résidus qui peuvent contenir des substances toxiques – dépassait la limite du cadre réglementaire.
« Tous conviennent que les matières sont des substances nocives pour les fins qui nous concernent », écrit la juge Riendeau, dans son jugement de 74 pages où l’on indique qu’un avertissement avait été donné en novembre 2010.
PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE
La mine de Mont-Wright possède des réserves pour encore trois décennies, selon ArcelorMittal.
Au Québec, en 2014, l’entreprise américaine Cliffs Natural Resources – exploitant de la mine du lac Bloom à l’époque – avait écopé d’une amende de 7,5 millions à la suite d’une centaine d’infractions à la Loi sur les pêches. En mars dernier, la minière Teck Coal avait écopé d’une pénalité de 60 millions – la plus importante du genre – en raison de déversements dans deux rivières en Colombie-Britannique.
La mine de Mont-Wright, dont les activités ont démarré en 1974, est le plus important gisement de fer à ciel ouvert au Canada. Elle possède des réserves pour encore trois décennies, selon ArcelorMittal.
Au cas par cas
Ce sont des employés de l’entreprise qui effectuent les prélèvements d’échantillons visant à mesurer la concentration d’effluents miniers. Ils sont analysés à l’interne ainsi que dans un laboratoire externe. Les résultats doivent ensuite être transmis aux autorités fédérales.
PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE
Camions de transport à la mine de Mont-Wright
Selon la Couronne, ArcelorMittal sélectionnait les résultats transmis à Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), une pratique qui « travestit » les rapports. L’entreprise répliquait avoir agi de la sorte après avoir été induite en erreur par les directives d’une inspectrice du Ministère « quant aux résultats devant être transmis ».
« ECCC ne peut qu’avoir un portrait inexact, dénaturé de la situation dans les circonstances », observe la juge Riendeau, à propos des méthodes de transmission d’ArcelorMittal.
La décision de la Cour du Québec souligne qu’un témoin a raconté, pendant le procès, ne plus être « à l’aise » de « poursuivre la pratique » qui consiste à déclarer uniquement le résultat qui respecte les normes lorsque plus d’un échantillon était prélevé dans une même semaine.
Sur ce point, la défense répliquait que certains essais étaient des vérifications environnementales volontaires, qui n’avaient pas à être soumises.
« L’argument des accusées est déconcertant, écrit la juge Riendeau. En effet, le retenir équivaudrait à conclure que les prélèvements et résultats d’analyse déclarés à ECCC seraient valables, alors que les autres ne le seraient pas puisqu’étant sous la gouverne de vérifications environnementales volontaires. »
Loin d’être terminé
ArcelorMittal n’a pas voulu commenter le contenu du jugement en raison de l’appel, a indiqué sa porte-parole Annie Paré.
Mardi dernier, la société a publié un « manifeste d’entreprise » dans laquelle elle soulignait qu’il fallait « reconnaître » et « respecter » le territoire où elle est implantée.
« Cette décision porte sur des évènements survenus entre 2011 et 2013, a écrit Mme Paré. Sachez que la protection de l’environnement et le développement durable sont des valeurs fondamentales au sein de notre organisation. »
Ugo Lapointe, coordonnateur de la Coalition Québec meilleure mine, estime que le jugement « étoffé » et « très négatif » à l’endroit d’ArcelorMittal écorche son image au moment où la multinationale tente de se présenter comme « l’aciérie la plus verte à l’international ».
PHOTO TIRÉE DU COMPTE LINKEDIN D’UGO LAPOINTE
Ugo Lapointe, coordonnateur de la Coalition Québec meilleure mine
Si elle veut agir de façon responsable, l’entreprise devrait arrêter de gaspiller temps et argent des contribuables en contestant les infractions qui lui sont reprochées par le ministère de l’Environnement et qui sont clairement reconnues par le tribunal.
Ugo Lapointe, coordonnateur de la Coalition Québec meilleure mine
Dans cette affaire, une société à numéro a aussi été reconnue coupable de cinq chefs d’accusation. Le premier actionnaire de cette entreprise est EQP Cooperatief, établie aux Pays-Bas. Elle s’était associée à ArcelorMittal à compter de février 2013. D’après le jugement, elle détenait 15 % de la filiale canadienne de la multinationale avec d’autres investisseurs.
Le processus judiciaire s’est amorcé en 2017. Le procès s’est déroulé de manière ponctuelle pendant sept mois en 2020 et il s’est terminé le 19 février dernier.
Avec la collaboration d’André Dubuc, La Presse
205 MILLIONS
Somme qui sera investie par ArcelorMittal dans son usine de Port-Cartier pour modifier son procédé de production de boulettes de fer en 2025 et réduire ses émissions de gaz à effet de serre. L’investissement s’accompagne d’un rabais sur l’électricité d’environ 80 millions.