Malgré des dépenses de plus de 180 millions de dollars de fonds publics depuis 2006, la facture de la restauration des sites miniers abandonnés au Québec ne diminue pas, selon ce qui se dégage des plus récentes données officielles. Elle avoisine toujours 1,2 milliard de dollars, soit pratiquement le même montant qu’il y a 10 ans. À l’instar des gouvernements précédents, celui de François Legault promet toutefois d’agir pour venir à bout d’un des pires héritages toxiques de la province.
Au fil des décennies, des entreprises minières ont laissé derrière elles des centaines de sites miniers abandonnés, qui sont aujourd’hui à la charge de l’État québécois, un peu partout sur le territoire. Certains sites d’exploration nécessitent des travaux de nettoyage sommaires, alors que d’autres, essentiellement d’anciens sites d’exploitation, doivent faire l’objet d’importants travaux de décontamination.
Selon les données fournies au Devoir par le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN), on compte aujourd’hui un peu plus de 400 sites « sous responsabilité réelle et probable » de l’État, alors qu’on en recensait 729 en 2011. Cette baisse du nombre de sites miniers orphelins à inspecter et à restaurer est essentiellement due au fait que le gouvernement injecte, année après année, des millions de dollars pour tenter de venir à bout de ce passif environnemental.
400
C’est environ le nombre de sites qui sont encore « sous responsabilité réelle et probable » de l’État québécois.
Le plus récent bilan disponible auprès du MERN, soit celui du 31 mars 2020, fait ainsi état d’investissements publics de 178,5 millions de dollars depuis 2006 pour la restauration et le suivi des sites inscrits au « passif à titre de terrains contaminés ».
Or, malgré les dizaines de millions de dollars de fonds publics dépensés depuis 15 ans, le montant de l’évaluation du « passif » n’a pas reculé. En date du 31 mars 2020, il était estimé à 1,2 milliard de dollars, soit essentiellement le même montant estimé en 2010-2011.
Cela signifie-t-il que la facture n’a pas diminué, malgré les dépenses et les travaux de la dernière décennie ? « La valeur du passif évolue annuellement. La variation du nombre de sites miniers, la réévaluation des coûts de restauration, l’évolution de l’état de contamination ou des connaissances de cet état d’un site viennent notamment expliquer cette situation », indique le MERN, par courriel. On précise également que « la valeur du passif évolue aussi en fonction de divers facteurs économiques : les coûts de restauration, les conditions du marché immobilier, les coûts de main-d’œuvre, le marché du travail, l’évaluation municipale ».
En ce qui a trait à la facture totale estimée pour les contribuables québécois, le MERN souligne que le montant est de 1,15 milliard de dollars en 2019-2020, une somme que le ministère prend soin d’arrondir à 1,2 milliard de dollars. On affirme qu’il s’agit donc du montant « le plus bas » depuis 2010-2011, alors que la facture pour l’État était évaluée à 1,23 milliard de dollars. Concrètement, cela équivaudrait donc à un recul de 30 millions de dollars en 10 ans.
Plan à venir
Le MERN dit par ailleurs poursuivre les travaux en matière de restauration des sites miniers. « Un plan de travail pour 2021-2022 sera d’ailleurs publié ce printemps. » Le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Jonatan Julien, pense-t-il pouvoir un jour terminer la restauration de tous les sites ? Le cabinet du ministre n’a pas répondu aux demandes répétées du Devoir pour obtenir une réponse à cette question.
Il faut aussi noter que la « caractérisation » des sites miniers abandonnés n’est toujours pas achevée. Concrètement, cela signifie que la facture pourrait encore s’alourdir, une fois que le gouvernement aura terminé l’évaluation de tous les sites d’exploration et d’exploitation problématiques, au plus tard en mars 2023.
Porte-parole de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine, Ugo Lapointe n’est pas surpris de voir que la facture du passif minier n’a pas diminué depuis 10 ans. « Le montant de 1,2 milliard est une estimation, mais plus on évalue l’état des sites abandonnés, plus la facture augmente. Il n’est pas impossible que la facture double. »
M. Lapointe déplore depuis plusieurs années le fait que la facture soit assumée entièrement par les contribuables québécois, « alors qu’ils ne sont pas responsables du problème ». La Coalition pour que le Québec ait meilleure mine plaide pour l’imposition d’une taxe de moins de 1 % sur la « valeur brute » du minerai exploité au Québec pour payer au moins 50 % de la facture totale de la restauration des vieux sites miniers orphelins. Une idée rejetée par le gouvernement Legault.
Selon les données de l’Institut de la statistique du Québec, la valeur brute des ressources minières exploitées au Québec a atteint 10,9 milliards de dollars en 2019 et 10,7 milliards en 2018. À titre de comparaison, les « revenus miniers » du gouvernement ont atteint 279 millions de dollars en 2019-2020, soit 2,5 % de la valeur brute.
Pour éviter de répéter les erreurs du passé qui coûtent aujourd’hui très cher au trésor public, le MERN rappelle que, depuis la réforme de la Loi sur les mines, en 2013, les entreprises minières doivent déposer au gouvernement « une garantie financière correspondant à 100 % des coûts anticipés pour la restauration de l’ensemble du site ». Selon le ministère, « les sociétés minières remplissent leur obligation de garanties financières exigibles ».
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Originalement publié dans Le Devoir.