Une mine d’or projetée au cœur de l’habitat du caribou

Source:
La Presse

Le caribou, population boréale (Rangifer tarandus) PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Un projet de mine d’or est prévu en plein cœur de l’habitat essentiel du caribou forestier, en Abitibi-Témiscamingue. Au moins 14 autres espèces en péril sont présentes sur le site de la mine, qui émettra près de 60 000 tonnes de gaz à effet de serre (GES) par année dès 2026, si elle voit le jour.

Par Frédérik-Xavier Duhamel, La Presse

« Sur les deux plans, la crise climatique et la crise de la biodiversité, ce projet-là ne répond à aucun besoin. Au contraire, il [les] aggrave », affirme Rodrigue Turgeon, porte-parole de MiningWatch Canada et de la Coalition Québec meilleure mine. « C’est exactement le type de projet qui va à contresens des actions qui doivent être menées. »

Le projet Marban, de la société Minière O3, prévoit l’exploitation de trois fosses à ciel ouvert pendant 10 ans à environ 15 km au nord-ouest de Val-d’Or. Une usine traitera jusqu’à 16 400 tonnes de minerai par jour, et des dizaines de millions de tonnes de résidus miniers seront accumulées sur place.

Le promoteur justifie ce projet par « la hausse des investissements pour les métaux précieux comme l’or depuis 2020 », peut-on lire dans une description initiale préparée par la firme WSP et soumise dans le cadre du processus d’évaluation d’impact environnemental fédéral. Il souligne également les retombées économiques potentielles pour la région, incluant 115 emplois directs et des « revenus fiscaux et fonciers significatifs ».

Or, « le projet Marban est situé dans l’habitat essentiel du caribou forestier de Val-d’Or », indique le même document, précisant que « les aires protégées provinciales pour le caribou ne couvrent pas le site » de la future mine, bien qu’il s’agisse d’une population en péril et protégée au Québec et au Canada.

Quatorze autres espèces en péril

Sept espèces d’oiseaux, cinq espèces de chauves-souris, une espèce de tortue et une espèce de plante en péril ont aussi été observées sur le site. Elles ont toutes un statut particulier, soit en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP), au fédéral, de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables (LEMV), au provincial, ou des deux. Leur statut va du moins grave « susceptible d’être désignée » en vertu de la LEMV jusqu’à « en voie de disparition », la désignation la plus critique avant l’extinction locale prévue dans la LEP.

D’autres espèces en péril pourraient être présentes, bien qu’elles n’aient pas été observées sur le site, puisque des habitats potentiels s’y trouvent ou qu’elles ont été trouvées à proximité, incluant sept autres espèces d’oiseaux, une espèce de couleuvre et deux espèces de salamandres.

Selon Myrzah Tavares Bello, vice-présidente au développement durable de Minière O3, il est trop tôt dans le processus pour préciser les effets que la mine aura sur ces espèces et les mesures de mitigation à mettre en place.

Émissions de GES et de gaz toxiques

La mine émettra environ 59 025 tonnes en équivalent dioxyde de carbone de GES par année d’exploitation, indique WSP. Selon les calculs d’un outil en ligne de l’Environmental Protection Agency (EPA) des États-Unis, cela représente autant de GES que l’ajout de 12 718 véhicules à essence sur les routes.

Le promoteur précise que « la réalisation du projet n’engendrera pas la réduction ni l’élimination d’émissions de GES ailleurs au Canada », mais plaide que la transition énergétique apportera « une demande croissante [pour] de l’or ».

Mme Tavares Bello explique que le portrait des émissions de GES pourrait être amené à changer, et que la minière mène des « études d’optimisation » afin de réduire son empreinte carbone, entre autres.

En plus des GES, la mine émettra du dioxyde d’azote et du dioxyde de soufre, deux gaz toxiques pouvant causer des problèmes respiratoires et des pluies acides, selon l’EPA.

« Un plan de gestion de la qualité de l’air et du contrôle des poussières sera établi dans une phase ultérieure du projet », indique la description initiale.

Ces émissions, en plus des poussières et des possibilités de contamination de l’environnement par des métaux lourds issus des résidus miniers, inquiètent M. Turgeon, de MiningWatch Canada. Il souligne que des habitants du quartier Dubuisson de Val-d’Or vivent à « 1 km à peine » du site projeté, dans une zone où se trouvent déjà d’autres mines importantes, comme celle de Canadian Malartic.

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