Craignant les effets d’un projet minier en développement, des associations citoyennes surveillent elles-mêmes la qualité de l’eau à Saint-Michel-des-Saints.
Francis Hébert-Bernier, Pivot Québec
Des citoyen·nes craignent les effets d'une mine sur l'eau potable et la biodiversité aquatique de Saint-Michel-des-Saints | Photo: Municipalité de Saint-Michel-des-Saints (CC BY-SA 3.0)
Les impacts environnementaux d’une nouvelle mine de graphite sèment l’inquiétude à Saint-Michel-des-Saints, dans Lanaudière. Devant le manque de transparence de la compagnie minière et l’inaction du gouvernement, un groupe citoyen a décidé d’aller chercher ses propres réponses à même la rivière.
Le projet de surveillance citoyen de la rivière Matawinie et de ses affluents a été dévoilé jeudi dernier, à l’occasion de l’assemblée des actionnaires du projet minier Nouveau Monde Graphite.
Cette compagnie compte exploiter une mine à Saint-Michel-des-Saints qui en est encore aux phases préliminaires de son développement. Les citoyen·nes craignent qu’elle contamine les sources d’eau potable de la région, en plus d’affecter la biodiversité.
« Des personnes habitant près de la mine ont aperçu de l’eau d’apparence laiteuse tout de suite après des activités de forage, mais sans avoir de données, nous ne pouvons pas savoir ce qu’elles ont vu », explique Paul Comeau, membre du conseil d’administration de la Coalition des opposants à un projet minier en Haute-Matawinie (COPH).
Pour pallier ce problème, des citoyen·nes de la région ont commencé à collecter des échantillons dans les rivières entourant la mine avec l’aide d’une équipe scientifique, explique le représentant de Mining Watch Canada Rodrigue Turgeon.
« Nous avons suivi un cours pour apprendre comment ne pas contaminer l’échantillon et s’assurer qu’il soit fiable d’un point de vue scientifique. Tout cela est fait selon les règles de l’art », précise Paul Comeau.
Un décret que personne ne cherche à appliquer
La minière devrait pourtant surveiller les effets qu’elle engendre sur l’hydrographie de la région et rendre publics ses résultats selon un décret du gouvernement du Québec encadrant le projet, adopté en janvier 2021. « Ça fait 18 mois, et l’entreprise n’a toujours pas donné suite. Qu’est-ce que les citoyens sont censés faire? Rester les bras croisés ? », demande la porte-parole d’Eau Secours Rébecca Pétrin.
Une situation qui est trop fréquente dans la province et au pays, selon Rodrigue Turgeon. « Dans la pratique, le régime minier est autoréglementé. Les compagnies procèdent elles-mêmes à l’observation de leurs impacts sur l’environnement et les inspecteurs de l’État n’interviennent que très rarement », observe-t-il.
La face cachée de la transition énergétique
Le projet minier de Nouveau Monde Graphite a été partiellement financé par le Fonds vert du gouvernement du Québec. Le gouvernement aurait supporté inconditionnellement le projet puisque le graphite est une composante nécessaire pour la fabrication de batteries destinées aux voitures électriques, selon Paul Comeau.
Un usage qui ne justifie toutefois pas que la compagnie et le gouvernement se départissent de leurs responsabilités en matière de protection de l’environnement, d’après Rébecca Pétrin.
De plus, le site choisi pour la mine serait loin d’être optimal selon Paul Comeau. Il rappelle que le gisement ne contiendrait que 4 % de graphite. « Le 96 % restant deviendra des déchets qui vont dégager de l’acidité et ultimement ce sera la municipalité, et donc les citoyens qui devront composer avec ça à perpétuité », déplore-t-il.
Un manque de transparence
Nouveau Monde Graphite a profité de son assemblée annuelle pour envoyer aux citoyen·nes une image de transparence, selon Rodrigue Turgeon, qui reste sceptique par rapport aux promesses de l’entreprise. « Ce serait bien de comparer les données que nous allons collecter avec les leurs, mais il reste à prouver qu’ils souhaitent vraiment aller dans cette direction-là », relativise-t-il.
Une perception qui est partagée par Paul Comeau. « Nous avons des relations très correctes avec les représentants de la minière. Ils nous parlent et sont très polis, mais ce qui est sûr c’est qu’on n’obtient pas de réponse à nos questions. Ils sont excellents en marketing », observe-t-il.
En attendant une intervention du gouvernement ou une plus grande transparence de la minière, la campagne de surveillance communautaire permettra au moins de savoir ce qui se passe avec les cours d’eau, conclut Paul Comeau. « À notre connaissance, jamais rien de tel n’a été fait au Canada, ce sera très intéressant de voir les résultats et c’est tout à l’honneur des citoyens », rappelle Rodrigue Turgeon. Les conclusions de leur enquête devraient être publiées plus tard cet été.
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