Des organisations autochtones s’unissent contre un projet controversé d’exploitation minière de cuivre en Amazonie
(Sucúa-Ottawa-Oakland) — Aujourd’hui, le peuple Shuar Arutam (PSHA) a déposé une plainte contre Solaris Resources Inc. (TSX : SLS) auprès de la British Columbia Securities Commission (Commission des valeurs mobilières de la C.-B.) pour avoir omis de divulguer aux actionnaires, de manière continuelle, des renseignements importants concernant son projet minier Warintza qui chevauche le territoire visé par les titres de PSHA. Malgré le rejet explicite et continu du projet Warintza par PSHA, la société Solaris, basée à Vancouver, a poursuivi ses projets d’exploitation minière en Amazonie, l’une des régions les plus riches en biodiversité de la planète. La plainte intervient quelques jours avant la plus grande conférence minière du monde, le salon annuel de l’Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs (PDAC), qui se tiendra du 3 au 6 mars à Toronto. Dans le passé, Solaris a utilisé le salon annuel (PDAC) pour présenter son « modèle Warintza » comme la meilleure pratique d’engagement communautaire de l’industrie.
La ruée mondiale vers les minerais critiques pour répondre à la demande croissante de la transition énergétique vers l’abandon des combustibles fossiles a permis aux sociétés minières de se présenter comme une industrie « verte » durable et comme des alliés dans l’amortissement du changement climatique. Cependant, comme extraction pétrolière, les projets miniers continuent de violer les droits de l’homme, de contrevenir l’État de droit, de contribuer au changement climatique et de menacer d’importants écosystèmes et la biodiversité. On observe particulièrement ceci dans des endroits comme le bassin amazonien, qui se trouve à un point de non-retour dans l’effondrement de son écosystème.
Selon la plainte déposée, l’entreprise a divulgué des informations partielles concernant ses relations avec les communautés indigènes qui s’opposent au projet, et manque à son obligation de divulguer régulièrement les risques politiques et juridiques susceptibles d’entraver le développement des activités minières dans l’Équateur. La plainte présente également l’incapacité qu’a Solaris à divulguer officiellement les risques importants du projet. Ceci présente un manque de conformité à ses obligations et peut induire en erreur les investisseurs existants et potentiels. Ces manquements justifient une enquête plus approfondie.
Reconnue par le gouvernement équatorien, PSHA est l’organe représentatif légal de 47 communautés possédant des titres fonciers collectifs et une possession ancestrale de 232 500 hectares de territoire dans la région de la Cordillera del Condor, en Amazonie équatorienne où se situe le projet « ’Warintza » de cuivre et d’or de Solaris. La PSHA a exprimé à plusieurs reprises son opposition au projet. Le gouvernement ne l’a pas consultée, comme l’exigent la constitution équatorienne et les obligations internationales en matière de droits des peuples autochtones, et n’a pas obtenu son consentement pour le projet.
Au lieu d’aborder l’ensemble de ses obligations légales en matière de consentement préalable, libre et éclairé (CPLE), Solaris Resources a choisi de mettre l’accent sur une « alliance stratégique » avec seulement deux communautés de la région, Yawi et Warintz, ce qui a provoqué des divisions et des conflits internes. Cependant, il est important de noter qu’aucune de ces communautés ne peut s’engager dans un processus de consultation ou donner son consentement pour des terres qui font partie du territoire collectif de la PSHA. Cela à emmener des informations trompeuses pour les investisseurs, suggérant que l’entreprise a obtenu le « permis social » nécessaire pour avancer son projet. L’absence de CPLE met en péril la viabilité du projet et ouvre la porte à de futurs litiges semblable aux injonctions légales qui ont paralysé des projets miniers voisins.
La plainte est déposée alors que la société minière chinoise Zijin Mining Group Co Ltd. Ainsi que sa filiale indirecte, Jinlong (Singapore) Mining Pte. Ltd. attendent l’approbation de la Bourse de Toronto (TSX) et des autorités canadiennes de règlementation des valeurs mobilières pour le placement privé d’environ 15 % des actions de Solaris. Selon les analystes financiers, cette vente déclenchera l’application de la Loi sur Investissement Canada et pourrait contredire la politique d’Ottawa visant à empêcher les entreprises chinoises d’investir dans des projets de minéraux critiques appartenant à des intérêts canadiens.
Solaris a également l’intention de s’inscrire à la Bourse de New York (NYSE) en 2024, où elle pourrait faire l’objet d’une plainte similaire à celle présentée à la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique.
La plainte démontre également que les perspectives positives présentées par Solaris concernant le pays où il opère ne sont pas fondées. L’entreprise ne mentionne pas le sentiment antiextraction croissant en Équateur, où douze projets miniers sont paralysés en raison de l’opposition et des actions en justice. Des plébiscites récents ont restreint l’exploitation minière dans plusieurs provinces, ainsi que dans l’une des plus grandes réserves de pétrole de l’Équateur, dans le parc national de Yasuni. Des organisations autochtones et des organisations de la société civile opposées à l’exploitation minière ont également menacé d’organiser de nouvelles manifestations.
Une coalition croissante d’organisations autochtones et de groupes de la société civile, dont La Confédération régionale des peuples autochtones de l’Amazonie équatorienne (CONFENIAE), Amazon Watch, MiningWatch Canada, Witness et Nia Tero, se joint à PSHA pour demander à Solaris Resources d’annuler le projet Warintza et au gouvernement équatorien de révoquer toutes les concessions minières sur son territoire.
Cette histoire reflète une tendance généralisée de conflit entre les sociétés minières canadiennes et les communautés autochtones, exacerbée par une histoire de dommages environnementaux et sociaux documentée dans le récent rapport « ’Unmasking Canada : Rights Violations Across Latin America ». La plainte déposée par la PSHA contre Solaris Resources Inc. illustre la lutte continue pour les droits des autochtones et la justice environnementale, dans un contexte de résistance croissante aux projets miniers en Équateur et ailleurs. La mobilisation des groupes autochtones contre les industries extractives, soutenue par les organisations de la société civile, souligne la nécessité urgente d’exiger que les sociétés minières soient tenues responsables de leurs actes et de donner la priorité aux droits des autochtones et à la protection de l’environnement plutôt qu’aux intérêts des entreprises.
Jaime Palomino, président de PSHA, explique : « Le peuple Shuar Arutam rejette le projet Warintza depuis de nombreuses années. Malgré cela, l’entreprise persiste à promouvoir le projet en divisant les communautés et en essayant de conclure des accords avec d’autres organisations indigènes. L’entreprise et le gouvernement équatorien devraient respecter notre propre structure gouvernementale et notre autonomie. Par conséquent, nous ignorons et rejetons tout accord qui est ou a été signé en notre nom ».
« Solaris induit en erreur les investisseurs actuels et futurs au sujet du projet Warintza. La réalité sur le terrain est bien différente des perspectives roses que l’entreprise dépeint dans ses publications et ses présentations RSE (responsabilité sociale d’entreprise). Aucune consultation juridiquement contraignante n’a été menée pour le projet. Solaris a simplement déployé une stratégie du style diviser pour régner afin d’obtenir un consentement. Solaris continue de cacher à ses actionnaires que ce projet suscite une opposition résolue qui met en péril sa viabilité », a déclaré Mary Mijares, Responsable de la campagne sur la finance fossile au sein d’Amazon Watch.
« Les Shuars ont affirmé à plusieurs reprises qu’il n’existe pas de permis social pour le projet phare Warintza de Solaris Resources, alors même que l’entreprise canadienne minimise l’opposition forte et constante. La plainte déposée aujourd’hui auprès de la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique par le peuple Shuar Arutam et les organisations alliées est un moyen supplémentaire de se faire entendre, alors que les communautés équatoriennes parviennent de plus en plus à stopper des projets qu’elles considèrent comme socialement et écologiquement nuisibles », a déclaré Viviana Herrera, Coordinatrice du programme Amérique latine à Mines Alerte Canada.
Contacts :
- Ricardo Perez, Conseiller en communication pour le Pérou, Amazon Watch : [email protected] ou +51 943 992 012
- Viviana Herrera, coordinatrice du programme Amérique latine, MiningWatch Canada : [email protected] ou +1 (438) 993-1264
- Laura Salas, responsable de programme sénior, Amérique latine et Caraïbes, WITNESS :
[email protected] - Jaime Palomino, Équateur, président du conseil gouvernemental du peuple Shuar Arutam : +593 96 158 8120 (espagnol).
- Fanny Kaeka, Équateur, Conseil gouvernemental du peuple Shuar Arutam : +593 99 078 9164 (espagnol).
Contexte
Depuis plus de deux décennies, le peuple Shuar Arutam (PSHA), au sud-ouest de l’Équateur, dans la province amazonienne de Morona Santiago, dans la Cordillera del Cóndor, a fermement exprimé son opposition aux mégaprojets extractifs, y compris l’exploitation minière sur son territoire. En 2019, ils ont déclaré leurs terres « territoire de vie (TICCA) » et ont lancé une campagne internationale intitulée « Les Shuars ont déjà décidé : Non à l’exploitation minière ! » En janvier 2021, le conseil d’administration de PSHA, ainsi que l’Internationale des services publics (ISP), a déposé une plainte auprès de l’OIT contre le gouvernement équatorien pour violation de la Convention 169 de l’OIT et pour avoir violé leurs droits collectifs et ne pas les avoir consultés sur les projets menés sur notre territoire.
En 2019, Solaris Resources a acquis Lowell Mineral Exploration et le projet controversé Warintza, qui est resté en sommeil depuis 2006 après que PSHA a expulsé Lowell Mineral Exploration.
Traduit par Samuel Cormier