Un projet de mine d’or dans une région où vivent des espèces en péril

Source:
Le Devoir

Par Alexandre Shields, Le Devoir

Une nouvelle mine d’or à ciel ouvert imposante pourrait voir le jour en Abitibi, avec l’exploitation de six fosses et l’extraction de plusieurs milliers de tonnes de minerai brut chaque jour. Le gouvernement Legault vient d’ailleurs de lancer l’évaluation environnementale du projet, qui se ferait dans une zone où on retrouve des espèces en péril et des milieux humides. Des voix s’élèvent déjà pour critiquer l’implantation d’une mine supplémentaire dans une région qui en compte déjà plusieurs.

L’entreprise ontarienne Minière 03, dont l’actionnaire majoritaire est Osisko Mining, espère extraire au moins 1,6 million d’onces d’or sur une période de 10 ans en exploitant un gisement situé au nord-ouest de Val-d’Or. Selon la minière, « l’incertitude créée par la pandémie de COVID-19, l’inflation et l’incertitude des marchés font de l’or une valeur refuge pour les investisseurs », ce qui a stimulé les investissements miniers dans le secteur depuis 2020.

L’exploitation du projet Marban se ferait selon la même méthode que pour la mine Canadian Malartic. Concrètement, il s’agit de dynamiter le roc à même des fosses à ciel ouvert, avant d’extraire le minerai brut, qui est ensuite transporté par camions de 150 tonnes jusqu’à une usine pouvant traiter jusqu’à 16 500 tonnes de matière chaque jour. La concentration en or est estimée à environ un gramme pour chaque tonne de pierre.

Minière O3 prévoit ainsi exploiter six fosses, dont la plus imposante atteindrait 1,3 kilomètre de longueur et 850 mètres de largeur, pour une profondeur de 340 mètres. Sur une décennie d’exploitation, on devrait générer pas moins de 343 millions de tonnes de stériles et de résidus miniers.

Espèces en péril et cours d’eau

Le projet est soumis à une évaluation environnementale provinciale et à une évaluation fédérale, ce qui implique la production d’études d’impacts au cours des prochains mois. La description soumise par la minière permet cependant déjà de constater que l’exploitation de cette mine en Abitibi-Témiscamingue pourrait générer 60 000 tonnes de gaz à effet de serre chaque année (l’équivalent de 24 000 voitures), en plus d’avoir des conséquences sur des espèces en péril, mais aussi de nécessiter la destruction de milieux humides et la déviation d’un cours d’eau.

Dans le secteur susceptible d’être touché par le projet, on retrouverait ainsi sept espèces d’oiseaux « en péril », selon la Loi sur les espèces en péril (LEP) du Canada. Sept autres espèces d’oiseaux en péril peuvent « potentiellement être présentes » dans la zone, en raison de la présence d’« habitats préférentiels » relevés dans l’analyse produite pour le promoteur par la firme WSP. En plus de la protection dont bénéficie la faune aviaire en vertu de la LEP, la réglementation interdit de porter atteinte aux oiseaux migrateurs lors de la nidification.

Cinq espèces de chauve-souris, dont deux sont « en voie de disparition », se retrouvent aussi dans le secteur. Le projet minier, qui a déjà fait l’objet de travaux d’exploration importants sur le terrain, est par ailleurs situé dans l’« habitat essentiel » reconnu du caribou de Val-d’Or, une population dont la quasi-disparition et la mise en enclos sont directement liées à la destruction de son habitat.

L’entreprise dit également devoir dévier un cours d’eau, qu’elle présente comme le « ruisseau » Keriens, afin de permettre l’exploitation de deux fosses. « Les milieux humides occupent également une grande partie du site d’implantation proposé », précise la documentation déposée en vue de l’évaluation provinciale, qui a officiellement été lancée mercredi par le gouvernement du Québec. La « directive » précisant ce que doit contenir l’étude d’impact est cependant datée du 20 décembre, soit le lendemain de la fin de la conférence de l’ONU sur la biodiversité (COP15).

Une région « lourdement affectée »

Porte-parole de MiningWatch Canada, Rodrigue Turgeon estime que ce nouveau projet est difficilement justifiable. « Dans sa version actuelle, nous ne soutenons pas le développement du projet, puisqu’il pose des risques considérables pour l’environnement, le climat, les espèces en péril, menacées ou vulnérables et le milieu socioéconomique local », fait-il valoir.

M. Turgeon, qui est lui-même résident de Val-d’Or, rappelle que la région immédiate est déjà truffée de mines d’or en service ou sur le point de l’être, dont la Canadian Malartic, Goldex, Kiena, Eldorado Gold et Akasaba Ouest. Il souhaite donc que l’évaluation des impacts permette de « répondre clairement à la question de savoir s’il ne s’agit pas de la mine en trop dans un paysage déjà trop lourdement affecté par l’industrie minière ».

...

Lire l'article complet ici