Billet de blog

Demande d’assujettir le projet minier Fayolle à la Procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement

Rodrigue Turgeon

National Program Co-Lead

Monsieur Benoit Charette
Ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les Changements climatiques 
675, boulevard René-Lévesque Est, 30e étage Québec (Québec) G1R 5V7 
ministre@environnement.gouv.qc.ca

Objet : Demande d’assujettir le projet minier Fayolle à la Procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement (articles 31.1.1 de la Loi sur la qualité de l’environnement)

Monsieur le Ministre,

Par la présente, nous vous transmettons une demande officielle de recommander au gouvernement d’assujettir le projet minier Fayolle du promoteur IAMGOLD à la Procédure d’examen et d’évaluation des impacts sur l’environnement (ci-après « PEEIE ») en vertu du pouvoir discrétionnaire dont vous disposez suivant les termes de l’article 31.1.1 de la Loi sur la qualité de l’environnement (ci-après « LQE »).

Selon les informations qui nous ont été communiquées par le promoteur, la description du projet Fayolle évite les différents seuils réglementaires qui entraîneraient son assujettissement automatique à la PEEIE. Lorsque suivie, cette procédure ouvre la possibilité aux parties intéressées de demander que le Bureau d’audience publique sur l’environnement (ci-après « BAPE ») soit mandaté pour mener une consultation publique et indépendante du promoteur.

Dans sa forme actuelle, l’analyse environnementale du projet Fayolle est conduite en vertu de l’article 22 de la LQE de manière moins approfondie que si elle était menée en suivant la PEEIE. Quant aux consultations publiques, elles se limitent à celles prévues à l’article 101.0.1 de la Loi sur les mines. Elles sont donc menées par le promoteur lui-même à l’intérieur d’un délai de 30 jours.

Nous sommes d’avis que les délais qui nous sont accordés pour soumettre nos commentaires au promoteur dans le cadre de la présente consultation sont déraisonnables et commandent l’intervention d’une instance indépendante.

La période de consultation de 30 jours a débuté le 24 mai 2022 avec la tenue d’une séance d’information le soir-même. Suivant cette procédure, les commentaires doivent être soumis avant le 24 juin 2022. Plusieurs éléments ont néanmoins limité significativement la capacité du public à participer pleinement au processus de consultation. À ce chapitre, notons un conflit d’horaire le soir du 24 mai 2022 avec un autre événement important dans le milieu environnemental tenu à Rouyn-Noranda, empêchant la participation d’organismes voués à la protection de l’environnement. La période de consultation a également été marquée par l’absence du directeur du développement durable du promoteur pour répondre aux questions des parties prenantes durant plus d’une semaine au coeur de la période pour soumettre des commentaires, ce qui a eu pour effet de retarder indûment le moment d’une rencontre ciblée avec cinq organismes voués à la protection de l’environnement intéressées à participer au processus consultatif. Cette rencontre s’est finalement déroulée le 20 juin 2022, mais la durée d’une heure et demie allouée n’a pas permis de couvrir l’ensemble des composantes du projet Fayolle. Au terme de la rencontre, le promoteur a suggéré la tenue d’une rencontre additionnelle pour compléter la présentation des impacts du projet Fayolle, qui a eu lieu aujourd’hui.

Finalement, le promoteur a accordé un délai d’une semaine, reportant la date limite au 30 juin 2022 pour faire part de nos commentaires sur le projet. Malgré ce report, l’examen du projet devant une instance indépendante qui permette une prise en compte sérieuse des commentaires du public formulés à l’intérieur de délais opportuns et respectueux de la capacité du public de s’impliquer dans un tel processus nous apparait justifié.

Plus largement, nous déplorons que certains projets d’exploitation minière puissent encore à ce jour être développés suivant une procédure consultative définie et gouvernée par le promoteur minier lui-même, en l’absence d’une intervention indépendante des ministères et organismes de l’État et du BAPE qui détient l’autorité de questionner le promoteur et d’obtenir des réponses et des engagements de celui-ci.

Au regard d’une première lecture des informations concernant les impacts du projet Fayolle, nous estimons que l’évaluation des impacts de ce projet doit être tenue de manière plus rigoureuse conformément à la PEEIE.

L’article 31.1.1 de la LQE permet au gouvernement, sur recommandation du ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, de soumettre à la PEEIE un projet n’y étant pas déjà expressément assujetti par la réglementation lorsque le projet rencontre l’un ou l’autre des critères non cumulatifs suivants :

  1. Les enjeux environnementaux que peut susciter le projet sont majeurs et que les préoccupations du public le justifient;
  2. Le projet implique une technologie nouvelle ou un nouveau type d’activités au Québec pour lesquels il est d’avis que les impacts appréhendés sur l’environnement sont majeurs;
  3. Il est d’avis que le projet comporte des enjeux majeurs en matière de changements climatiques.

En l’espèce, nous estimons que les critères prévus au premier paragraphe du premier alinéa de l’article 31.1.1 sont rencontrés et justifient son application.

Contraints de procéder à l’analyse de la documentation concernant le projet minier à l’intérieur des délais déraisonnables décrits précédemment, nous vous adressons une liste préliminaire d’enjeux environnementaux majeurs justifiant à notre avis l’assujettissement du projet Fayolle à la PEEIE :

  • L’absence de justification du projet d’un point de vue climatique et écologique considérant la très faible utilité ou pertinence de l’or. Huit pour cent (8 %) à peine de l’or produit au Québec sert à des fins technologiques selon le MERN;
  • Le choix de l’établissement d’une mine à ciel ouvert, qui comporte en général des impacts significativement plus élevés sur l’environnement qu’une mine souterraine;
  • La durée de vie du projet, qui est estimée à 2 ans, limite les retombées économiques dans la communauté si le projet était un jour autorisé;
  • La durée d’ennoiement de la fosse, qui est estimée à 11 ans, impliquera des suivis importants post-fermeture et il reste des incertitudes quant à cette option de restauration;
  • L’impact social de l’ajout d’un projet extractif d’une ressource non renouvelable dans une région déjà sévèrement aux prises avec une pénurie de main-d’oeuvre et de logements;
  • L’examen des impacts relatifs au camionnage au niveau de la sécurité et de la qualité de vie de la population dans les secteurs de Mont-Brun et Cléricy, considérant que ce sujet soulève beaucoup de préoccupations.
  • Les nuisances associées au transport de près de 40 camions par jour qui circuleront entre le site minier et Westwood (41,3 km) pour le traitement du minerai commandent un examen plus approfondi, des engagements formels et des mécanismes de compensations;
  • La proximité du site avec l’aire protégée du parc national d’Aiguebelle;
  • Les impacts sur les milieux humides et hydriques ainsi que sur les eaux souterraines, considérant que plusieurs éléments de réponse demeurent incomplets malgré les deux rencontres tenues avec les organismes environnementaux;
  • L’habitat potentiel d’espèces à statut particulier, comme le campagnol des rochers et le campagnol-lemming de Cooper, le gros-bec errant, la paruline du Canada, le hibou des marais, le moucherolle à côtés olive et le quiscale rouilleux et l’absence de prise en compte de l’engoulevent bois-pourri dans les études du promoteur en dépit de son aire de répartition dans la région.

La préoccupation du public est également démontrée par :

  • Les importants débats suscités par le projet dans les municipalités visées au regard des impacts reliés notamment au transport tels que rapportés le 20 juin 2022 par le promoteur lui-même lors de la rencontre d’information ciblée avec les organismes voués à la protection de l’environnement;
  • La signature de la présente demande d’assujettissement à la PEEIE par deux citoyennes de Cléricy;
  • La signature de la présente par plusieurs organismes voués à la protection de l’environnement;
  • Les positions de la Coalition Québec Meilleure Mine, de MiningWatch Canada, du Regroupement vigilance mines Abitibi-Témiscamingue, du Conseil régional de l’environnement de l’Abitibi-Témiscamingue et Eau Secours que soient assujettis tous les projets d’exploitation minière à la PEEIE considérant les importantes préoccupations environnementales, sociales et économiques qu’ils soulèvent invariablement.

En foi de quoi, nous sommes d’avis qu’il importe d’ordonner sans délai une évaluation et un examen des impacts environnementaux suivant les dispositions 31.1 et suivants de la Loi sur la qualité de l’environnement pour le projet Fayolle du promoteur IAMGOLD. Nous vous demandons conséquemment de recommander au gouvernement d’assujettir le projet Fayolle du promoteur IAMGOLD à la Procédure d’examen et d’évaluation des impacts sur l’environnement ouvrant la porte à un examen indépendant du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), afin d’éviter de se limiter aux consultations publiques conduites par le promoteur lui-même, de même qu’aux autorisations ministérielles encadrées selon la procédure moins rigoureuse de l’article 22 de la Loi sur la qualité de l’environnement.

Considérant l’importance de ce dossier, nous vous prions, Monsieur le Ministre, de répondre à la présente
dans un délai de 30 jours, soit avant le 23 juillet 2022. Demeurant à votre disposition pour collaborer et
pour échanger sur le fond de notre demande, recevez nos salutations distinguées.

SIGNÉ: 

  • Jacinthe Châteauvert, Présidente, Conseil régional de l’environnement de l’Abitibi-Témiscamingue
  • Julie Côté, Citoyenne de Cléricy
  • Marie-Hélène Massy Emond, Citoyenne de Cléricy
  • Marc Nantel, Porte-parole, Regroupement vigilance mines Abitibi et Témiscamingue
  • Me Rodrigue Turgeon, M.S.V.D., J.D., Avocat et co-porte-parole, Québec meilleure mine, Coresponsable du programme national, MiningWatch Canada
  • Rébecca Pétrin, Directrice générale d’Eau Secours
Lettre complète (Juin 2022) MELCC Réponse (Juillet 2022)