Cette lettre ouverte a été publiée dans Le Devoir.
Ces dernières semaines, par deux fois plutôt qu’une, le gouvernement du Québec a manqué un grand rendez-vous historique, soit celui de rendre son régime minier respectueux des droits des peuples autochtones. D’abord en rejetant des amendements à cet effet dans le projet de loi sur les mines adopté en toute hâte. Ensuite en portant en appel un jugement concluant à la violation de leurs droits dans le secteur minier. Nous ne pouvons rester impassibles devant ces choix répétés de maintenir en place un système qui dépossède les premiers peuples et maintient la mainmise de l’industrie minière sur le territoire. Les minières québécoises ne peuvent prétendre être vertes ou responsables si les lois qui les encadrent bafouent les droits des Autochtones. Il en va de l’avenir du territoire et de la réputation du Québec à l’international.
La première offense s’est produite le 21 novembre lorsque le procureur général du Québec a décidé de porter en appel son revers subi en Cour Supérieure dans le litige qui l’oppose à la Première Nation Mitchikanibikok Inik, communauté aussi connue sous le nom des Algonquins de Lac-Barrière. Après près de cinq ans de débats devant les tribunaux, le tribunal a reconnu que le gouvernement du Québec a failli pendant des décennies à son obligation constitutionnelle de consulter cette Première Nation en accordant des claims permettant l’exploration minière sur son territoire. Au lieu de prendre acte de cette décision et de s’engager à réformer ses lois pour les rendre compatibles avec ses obligations constitutionnelles, Québec choisit de poursuivre le conflit devant la Cour d'appel pour maintenir son régime qui donne préséance aux minières sur les territoires occupés par les peuples autochtones. En choisissant de déposer les armes juridiques, le Québec aurait honorablement pris exemple sur la Colombie-Britannique qui a elle aussi perdu une bataille similaire devant les tribunaux l’an dernier et a choisi de travailler à la réforme de son régime plutôt que de poursuivre le débat judiciaire.
Cette décision de contester le jugement de la Cour était d’autant plus cinglante qu’elle est intervenue au lendemain de l’étude, par l’Assemblée nationale, du projet de loi 63 qui s’annonçait comme une « modernisation » de la Loi sur les mines.
La deuxième offense s’est produite à peine quelques jours plus tard par l’adoption précipitée de cette loi le 27 novembre, sans qu’aucun amendement n’y ait été ajouté pour intégrer les conclusions du jugement rendu par la Cour supérieure et respecter les droits des peuples autochtones dans le secteur minier. Au contraire, le gouvernement a plutôt choisi de systématiquement rejeter toutes propositions d’amendements en ce sens amenées par les autres partis.
Les décisions parlent plus que les simples paroles. À l’évidence, le gouvernement du Québec semble engagé pour la réconciliation avec les peuples autochtones à condition que sa poigne sur les ressources naturelles ne soit pas remise en question.
Le gouvernement n’a pas d’alternatives dignes à offrir aux peuples autochtones. Les projets d’ententes avec les nations et les communautés autochtones « déterminant les limites » des activités minières inscrits dans la nouvelle loi sur les mines ne couvrent pas les vastes pans de territoires déjà sous claims miniers. Le Québec préfère les consulter pour certains travaux d’exploration dits « à impacts », seulement après que les compagnies aient pu obtenir leurs titres miniers.
Le développement économique du Québec repose depuis toujours sur l’exploitation du territoire. Or, on ne peut séparer les Premiers Peuples de ce lien indéfectible, culturel, identitaire, immémorial et sacré qui les unit à ce même territoire.
Les Québécoises et les Québécois l’ont bien compris. Selon un sondage d’opinion Léger du mois d’août 2022, 78 % des habitant·e·s de la province sont d’accord pour « exiger le consentement des populations locales (municipalités et nations autochtones) avant d’autoriser toute activité minière sur leur territoire ».
Respecter les droits des autochtones est plus critique que tous les minéraux du passé et du futur réunis. Le développement d'une réelle richesse collective et l'avenir de notre territoire en dépendent.
La réponse à cette injustice minière qui remonte aux premières heures du Québec colonial devra passer par une réponse législative, qu’elle soit imposée ou non par la contrainte des tribunaux. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir qui aura la décence de le faire… et quand.
Nous cosignons cette lettre ouverte avec plus de 225 personnes issues de plusieurs nations et communautés autochtones, des professeur-e-s de plusieurs universités, des expert-e-s indépendant dans le secteur minier, des organismes environnementaux et des citoyen-ne-s directement affectés par différents projets miniers au Québec et ailleurs sur le continent.
La liste complète des signataires est disponible ici.