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La sécurité avant tout: Lignes directrices pour mettre fin aux déversements miniers catastrophiques

Jamie Kneen

National Program Co-Lead

Avec des liens à : Safety First

Sommaire Exécutif

En 2019, la rupture d’un barrage de rétention des résidus miniers de la minière Vale près de Brumadinho, au Brésil, a tué plus de 250 personnes et rasé des maisons et autres constructions sur des kilomètres avant de se déverser dans la rivière Paraopeba. En 2014, au Canada, la Mine Polley de la minière Imperial Metals a déversé plus de 24 milliards de résidus miniers dans le Lac Quesnel et le bassin versant du fleuve Fraser, un habitat essentiel à la reproduction du saumon. Ces catastrophes ont marqué le monde entier, mais n’auraient dû surprendre personne. Les installations de stockage des résidus miniers, qui contiennent les déchets résiduels générés par les activités d’extraction des métaux et des minéraux, font face à des ruptures de plus en plus fréquentes et de plus en plus sévères, tant dans les pays industrialisés que ceux en développement.

Les standards actuels de l’industrie, incluant l’ébauche de Norme internationale sur la gestion des résidus miniers publiée en 2019, ne vont pas assez loin pour protéger adéquatement les collectivités et les écosystèmes de ces ruptures. La conception, la construction, l’exploitation et la fermeture des installations de stockage des résidus miniers requièrent des changements majeurs pour protéger les populations et l’environnement.

Les installations de stockage des résidus miniers les plus sécuritaires restent celles qui ne sont pas construites. Afin d’éviter le fardeau à long terme que sont les sites de résidus miniers ainsi que leurs impacts sociaux et environnementaux, nous devons réduire le volume de résidus miniers produits, de même que la demande générale pour les matières premières. Au cours des 40 dernières années, la teneur en minerais a baissé de moitié pour plusieurs minéraux, doublant par le fait même le volume de résidus miniers pour chaque unité de minéraux produite. Si la tendance actuelle se maintient, le rythme d’extraction et d’utilisation de la plupart des minéraux pourra doubler, voire se décupler d’ici 2060. Cette tendance n’est pas durable. Nous devons continuer d’extraire certains types de minéraux, notamment afin de pourvoir aux besoins des technologies nécessaires à une transition énergétique, mais pour ce faire, nous avons besoin de meilleurs standards et pratiques.

Les ruptures des installations de stockage des résidus miniers peuvent se produire de différentes façons et à différents niveaux de sévérité. Ce document présente les lignes directrices visant à prévenir les ruptures catastrophiques: soit des ruptures où l’intégrité structurelle des installations de stockage a été compromise.

Le but ultime de la gestion des résidus miniers doit être un « préjudice zéro » envers les populations et l’environnement et une politique de tolérance zéro pour les pertes de vies humaines. Les sociétés d’exploitation doivent s’engager en ce sens et documenter la façon dont elles font de la sécurité leur priorité principale en ce qui a trait à la conception, la construction, l’exploitation, la fermeture et l’après-fermeture des installations de stockage et des barrages de rétention des résidus miniers. Dans le cas où une société identifie la perte d’une seule vie humaine comme résultat potentiel d‘une rupture de barrage de rétention des résidus miniers, le barrage doit être conçu afin de pouvoir résister aux événements sismiques et météorologiques les plus extrêmes..

Avant de recevoir leur approbation et au cours de toute la durée de vie de la mine, les sociétés d’exploitation doivent s’assurer de l’implication significative, la participation et le consentement des collectivités concernées ou potentiellement concernées par toute installation de stockage des résidus miniers.

L’utilisation de « digues orientées amont » (upstream dams) doit être bannie en faveur de digues de type centrales et « orientées aval » (downstream dams), beaucoup moins vulnérables à tout mécanisme de rupture des digues. De plus, elles ne doivent pas être installées immédiatement à proximité de collectivités ou au-dessus d’infrastructures minières où des travailleurs sont susceptibles d’être présents.

La conception, la construction, l’exploitation et la fermeture de toute installation de stockage des résidus miniers doivent faire usage des meilleures technologies et pratiques en vigueur. Ceci encouragerait l’utilisation de résidus miniers filtrés, qui réduisent les probabilités et conséquences d’une rupture.

Les sociétés d’exploitation doivent documenter leur compréhension détaillée des fondations du barrage et des propriétés matérielles des résidus miniers, avec une attention particulière pour la teneur en argile et le potentiel de liquéfaction. Par le biais de rapports annuels, elles devront s’assurer que les opérations et la construction du barrage sont conformes aux documents de conception.

Les installations de stockage des résidus miniers devraient être passées en revue, inspectées, surveillées et entretenues jusqu’à ce qu’elles atteignent un état où le potentiel de rupture est pratiquement nul. Le stockage initial de résidus miniers filtrés facilite une fermeture sécuritaire éventuelle.

Les pires scénarios de déversement de résidus miniers doivent être modélisés et rendus publics avant la livraison des permis nécessaires et régulièrement mis à jour au cours du cycle de vie de l’installation. Les manœuvres et exercices d’évacuation en cas d’urgence liés à une rupture catastrophique d’une installation de stockage des résidus miniers doivent être effectués sur une base annuelle, et leur planification et exécution doit inclure la participation des collectivités concernées, travailleurs, autorités locales et organes de gestion de crise.

Une culture de sécurité et d’imputabilité doit être maintenue au sein des plus hauts échelons d’une compagnie; ceci ne peut se réaliser que si le conseil d’administration est tenu responsable de ses actions (ou absence d’actions). Le conseil d’administration détient l’ultime responsabilité envers la sécurité des installations de stockage des résidus miniers, incluant les conséquences liées aux ruptures de barrages, et doit être en mesure de faire la démonstration que la société détient les garanties financières nécessaires pour couvrir tous les coûts des plans de fermeture et d’après-fermeture de même que les assurances de responsabilité civile couvrant l’entièreté des coûts liés à une rupture catastrophique.

Résumé des lignes directrices

  • Faire de la sécurité le principe directeur (et non les considérations financières) dans la conception, la construction, l’exploitation et la fermeture des sites de résidus miniers, incluant des garanties financières solides fournies en amont
  • Exiger la transparence, la consultation publique et le consentement des collectivités touchées, incluant le respect des droits à l’autodétermination et au consentement préalable, libre et éclairé des Nations Autochtones
  • Interdire les nouveaux sites de résidus miniers situés immédiatement en amont de zones fragiles ou habitées, et implanter des plans d’intervention et d’évacuation d’urgence en cas de déversement pour les sites existants
  • Interdire les « digues orientées amont » ( upstream dams ) aux nouvelles mines et fermer de façon sécuritaire les installations existantes (plusieurs États les interdisent déjà)
  • Exiger l’utilisation des meilleures pratiques et technologies, incluant l’utilisation de résidus filtrés ou densifiés, l’élimination des plans d’eau au-dessus des résidus, des coefficients de sécurité prudents (supérieurs à 1.5 en conditions statiques), des pentes de moins de 2H:1V en tout temps pour les structures de rétention (voire même inférieures à 5H:1V à la fermeture)
  • Toute perte de vie potentielle est un événement extrême et la conception des sites doit refléter ce fait, incluant de pouvoir résister à des conditions de crue maximale probable (CMP), de séisme maximal probable (SMP) et à une probabilité annuelle de défaillance (PAD) inférieure à 1/10000
  • Démontrer une compréhension fine des conditions et des caractéristiques locales de la stabilité des sols et des résidus miniers à l’aide d’échantillons détaillés et de systèmes de contrôle robustes 
  • Toutes les informations concernant la sécurité et les risques des sites de résidus miniers doivent être rendues publiques et vérifiées par des experts indépendants 
  • Développer et implanter des mécanismes de grief et de protection des lanceurs d’alertes pour protéger le public, les collectivités et les travailleurs
  • Exiger l’imputabilité aux plus hauts échelons des conseils d’administration des sociétés minières: ces derniers doivent assumer la responsabilité pleine et entière face aux risques (incluant les risques financiers) de défaillance des sites de résidus miniers et accepter les conséquences en cas de ruptures et de déversements miniers.

Afin de comprendre comment et pourquoi les ruptures se produisent, nous devons comprendre toute la portée de cette question. À l’heure actuelle. Il n’existe aucun inventaire mondial des milliers d’installations de stockage des résidus miniers ni un registre complet des ruptures de barrages. La compilation et le partage de cette information, de façon publique et transparente, sont essentiels. Une agence internationale indépendante, mandatée par les Nations unies (par exemple), en collaboration avec les États responsables, les sociétés d’exploitation et la société civile, doit mener cet effort, recueillir l’information sur les barrages de résidus miniers et les ruptures de ces installations à travers le monde, et la partager avec les collectivités concernées afin d’éliminer les risques sur ces sites et appuyer la mise en place de plans d’action en cas d’urgence.

Finalement, cette agence internationale doit être en mesure de superviser la gestion sécuritaire des résidus miniers à travers le monde. Elle doit être adéquatement financée, capable de mettre à jour les standards mondiaux de façon efficace, d’assurer leur application, d’enquêter sur les ruptures et d’émettre des recommandations accessibles au public. Afin de déterminer la portée et l’étendue d’une telle agence, une étude indépendante devra explorer le modèle de gouvernance le plus approprié pour cette tâche.

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