Les ONG s’inquiètent du « détournement » dont fait l’objet le processus d’examen des contrats miniers en RDC

Il est grand temps que les pouvoirs publics d’Europe et d’Amérique du Nord agissent

Au début de la conférence ‘Mining INDABA’ sur l’investissement dans le secteur minier organisée au Cap, une coalition internationale d’organisations non gouvernementales prévient que le processus d’examen des contrats miniers en RDC (République démocratique du Congo) a été « détourné ». Les ONG déclarent ainsi qu’il est de plus en plus manifeste que de nouveaux contrats sont en train d’être conclus en catimini, et ce malgré le fait que le processus d’examen n’est pas terminé et que la transparence requise n’est toujours pas atteinte. Les ONG citent l’annonce faite le 28 janvier selon laquelle les droits relatifs à deux concessions minières qui appartenaient auparavant à la Katanga Mining Company ont été cédés aux entités chinoises que sont la Sinohydro Corporation et la China Railway Engineering Corporation dans le cadre du contrat de prêt de 5 milliards de dollars US accordé par la banque chinoise Exim. Les ONG souhaiteraient que le gouvernement de la RDC explique quand et de quelle manière cette décision a été prise.

Le silence du gouvernement congolais quant aux mesures qu’il a prises ou compte prendre afin de mettre en œuvre les recommandations d’une commission interministérielle créée pour passer en revue les contrats miniers ne fait qu’intensifier les préoccupations des groupes de société civile.

Les ONG appellent les pays donateurs et les institutions multilatérales à soutenir publiquement un processus de renégociation ouvert et transparent. En novembre dernier, le ministre congolais des Mines, lors d’une réunion du Groupe consultatif de la Banque mondiale à Paris, a promis à la communauté des donateurs internationaux que le rapport de la commission interministérielle serait rendu public. Le gouvernement est également tenu d’assurer un tel niveau de transparence en vertu des dispositions du Contrat de gouvernance portant sur la gestion des ressources naturelles qui a été présenté par le Premier ministre Antoine Gizenga en février 2007, du Programme du Gouvernement qui y est associé, et du Document de stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté (DSCRP) de la RDC.

Le gouvernement congolais devrait publier un plan complet de renégociation et éventuellement de résiliation des contrats miniers, le cas échéant, accompagné d’un calendrier clair et de précisions sur la méthodologie à employer, selon les ONG. « La publication du rapport est essentielle si l’on veut restaurer la confiance envers l’intégrité du processus d’examen », affirment la coalition. Il est également impératif que des mécanismes de suivi et de reporting adéquats soient mis en place pour assurer la transparence et la responsabilité du processus. « La divulgation d’informations cruciales constitue un devoir fondamental de tout gouvernement démocratique et la seule garantie que le parlement et la société civile puissent remplir leur rôle de vérificateurs des poids et contrepoids », déclarent les ONG.

Les ONG soulignent également les résultats inquiétants des audits financiers réalisés par le cabinet Ernst & Young, selon lesquels la gestion financière et les pratiques comptables de plusieurs compagnies minières opérant en RDC sont loin de se conformer aux normes internationales généralement acceptées. Les ONG appellent les ministères publics et les organismes de contrôle boursier d’Europe et d’Amérique du Nord à examiner attentivement ces audits et à s’interroger sur la présence d’éléments de preuve suffisants pour pouvoir entamer des procédures. « Il est grand temps que les gouvernements belge, canadien, américain et britannique commencent à démontrer concrètement l’intérêt qu’ils affirment porter à la diminution de la pauvreté et à la bonne gouvernance en RDC en menant leurs propres enquêtes sur les contrats miniers conclus par les compagnies dépendant de leur juridiction », ajoutent les ONG.

Les ONG rappellent à toutes les parties à l’examen que la reconstruction et le développement de la RDC ne pourront être assurés qu’en garantissant une exploitation équitable et transparente des ressources naturelles du pays. Les enjeux de l’examen des contrats miniers sont extrêmement élevés, étant donné que la crédibilité des efforts déployés par le nouveau gouvernement congolais et la communauté internationale pour promouvoir la bonne gouvernance dans le secteur minier ainsi que, dans un sens plus large, le développement futur de la RDC, en dépend.

Pour tout renseignement complémentaire, contacter :

Judith Verweijen, Broederlijk Delen +32 (0) 473790344
Lizzie Parsons, Global Witness +44 (0) 207 561 6365
Tricia Feeney, RAID +44 (0) 1865 515 982, +44 (0) 7796 178 447, +27 (0) 714 141923

Notes aux rédactions

  1. En octobre 2007 se sont achevés les travaux d’une commission ministérielle chargée d’examiner des joint-ventures conclues dans le secteur minier pendant les périodes de guerre et de transition politique en RDC. La Commission a ainsi passé au crible plus de 60 contrats pour les répartir en trois catégories : « A » indiquant les contrats valides et n’ayant pas besoin d’être renégociés, « B » les contrats devant être renégociés, et « C » ceux qui devraient être annulés. Les résultats de la Commission, divulgués à la presse à la fin du mois d’octobre dernier, étaient qu’aucun des contrats examinés n’était valide. Bien qu’ayant fait l’objet de fortes pressions pour rendre public le contenu du rapport, le gouvernement de la RDC ne l’a pas encore fait.
  2. Le ‘Mining INDABA’ est une importante conférence internationale consacrée au secteur minier, qui se déroule au Cap (Afrique du Sud) du 4 au 7 février 2008.
  3. L’annonce faite le 28 janvier faisait allusion au transfert des concessions minières que sont Mashamba et Dikuluwe, qui appartenaient auparavant à la Katanga Mining Company.
  4. Le cabinet d’audit international Ernst & Young (France) a été chargé par la Banque mondiale et le Comité de pilotage de la réforme des entreprises publiques (COPIREP) du gouvernement de RDC de réaliser un audit portant sur plusieurs contrats conclus entre la Gécamines et des parties étrangères (Contrat de consultant n° 24/COPIREP/SE/11/2004). Les consultants ont mené leurs travaux lors de deux missions en RDC ; la première s’est déroulée du 30 mars au 22 mai 2005, et a été suivie d’une mission complémentaire du 15 au 21 août 2005. Les rapports examinent des contrats conclus entre la Gécamines et des parties étrangères. Comme cela est expliqué dans la préface des rapports d’audit, il a fallu un an à Ernst & Young pour rendre ses conclusions en raison d’anomalies, de manœuvres d’obstruction et d’absence de données. Les audits se sont achevés le 26 mai 2006. Parmi les compagnies dont les contrats ont été examinés figurent les suivantes :
    1. Groupement du Terril de Lubumbashi (GTL) juin 1997,
    2. Société pour le Traitement du Terril de Lubumbashi (STL) septembre 1999,
    3. Kababankola Mining Company (KMC) janvier 2001,
    4. Société de Traitement des Rejets de Mutoshi (SRM) janvier 2001,
    5. Boss Mining decembre 2003,
    6. Mukondo Mining decembre 2003,  
    7. La Société Minière de Kabolela et de Kipese sprl (SMKK) avril 2004,
    8. Compagnie Minière du Sud Katanga (CMSK) juillet 2004.

Les rapports de l’audit peuvent être consultés à l’adresse suivante : www.freewebs.com/contratsminiers.