(Ottawa/Yellowknife/Whitehorse) — Le gouvernement canadien doit assurer que les résidents du Nord, et les Canadiens en général, ne se voient dans l'obligation de payer la note pour les opérations massives de nettoyage de mines abandonnées. Tel est le point de vue émis conjointement aujourd'hui par Mines Alerte Canada, le Comité canadien des resources de l'Artique et la Société de conservation du Yukon. Ces organisations demandent l'adoption, par le gouvernement fédéral, de mesures légales préventives faisant en sorte qu'il n'y ait aucune responsabilité publique pour les opérations minières dans le Nord canadien.
La requête a été faite après que des détails se rapportant à une autre opération massive de nettoyage par le fédéral ont été dévoilés en cour ontarienne, la semaine dernière, en rapport avec l'ancienne compagnie Royal Oak Giant Mine, près de Yellowknife dans les Territores du Nord-Ouest.
Le mois dernier, des arrangements similaires avaient été annoncés en relation avec la fermeture de la mine Faro, au Yukon. "Nous faisons appel au gouvernement fédéral afin qu'il respecte son engagement d'introduire des mesures législatives visant l'enchâssement du principe de non- responsabilité publique. Les propriétaires de mines doivent être les seuls responsables pour les coûts reliés à la fermeture de leurs opérations et ne doivent en aucun cas être en mesure de transférer ce fardeau aux contribuables de ce pays. Le gouvernement fédéral a déjà reconnu ce principe dans l'entente connue sous le non de 'Whitehorse Mining Initiative' et dans ses politiques de développement durable. Ce principe doit s'appliquer dans le secteur minier" a déclaré Alan Young, co-président de Mines Alerte Canada.
Selon Kevin O'Reilly, directeur de recherche du Comité canadien des ressources de l'Artique, "le gouvernement fédéral a permis à la compagnie Giant Mine d'opérer pendant plus de 50 ans, produisant quelque 270,000 tonnes de déchets toxiques et un des pires sites contaminés en Amérique du Nord. Or il n'y a rien dans la loi pour prévenir que ce genre de désastre ne se reproduise. Aux termes de l'entente proposée, il n'y a rien qui empêche l'émission dans l'air de substances cancérigènes et l'enfouissement sous-terrain de trioxide d'arsenic".
"Il n'y a eu aucune consultation auprès du public dans l'entente avec Faro et nous craignons que le gouvernement fédéral finisse par agir comme s'il était le nouveau propriétaire de Faro. Nous croyons que cela crée un dangereux précédent où le gouvernement assume tous les risques, y inclus les risques futurs, alors que la compagnie obtient tous les bénéfices sans rien devoir en retour. Des décisions aussi importantes et créant des précédents en matière de politique concernant la responsabilité environementale doivent être le résultat de discussions publiques et non le fruit de négociations privées entre le gouvernement et les représentants de l'industrie", a affirmé Bob Van Dijken de la Société de conservation du Yukon.
La Mine Giant a débuté ses opérations en 1948, utilisant une technologie polluante qu'elle continue d`être la seule à encore utiliser au Canada. Il n'y a aucune technologie connue pour éliminer les volumes énormes de trioxide d'arsenic enfouis à quelques mètres du Grand Lac de l'Esclave et du bassin de la rivière Mackenzie. Les coûts de nettoyage ont été évalués entre 70-900 millions de dollars pour l'arsenic. Le ministère des Affaires indiennes et du développement du Nord détient 400,000$ en bonds de sécurité au nom du public canadien pour le nettoyage. Quant à la mine Faro, elle a débuté ses opérations en 1969 et fermé en 1998. Dans ce cas le gouvernement détient 14 millions $ en bonds alors que l'opération de nettoyage est maintenant évaluée à 100 millions de dollars. La mine produit des écoulements d'acide qui, s'ils demeurent intraités, pourraient affecter les écosystèmes aquatiques du Nord pour des centaines d'années à venir.
"Les politiciens doivent se rendre compte que la réclamation adéquate des mines n'est pas seulement utile pour l'evironnement et la santé publique, mais aussi pour le porte-feuille des Canadiens. La pratique de déplacer le fardeau de la responsabilité environnementale sur le dos des contribuables est un affront national. Dans son rapport en 1996, le Vérificateur général affirmait qu'il n'y avait aucun inventaire adéquat des sites contaminés ni aucune mesure prévue pour les nettoyer, que le total des coûts pour de telles opérations était inconnu, et que la responsabilité n'apparaissait pas dans les états financiers. Sans aucune législation pour un programme de nettoyage appuyé financièrement par l'industrie, il est difficile de croire que le nettoyage sera effectué. Il s'agit là d'un enjeu que les ministres responsables des mines de toutes les régions du pays doivent placer en tête de leur ordre du jour afin de prévenir d'autres "Giant" ou "Faro", " d'affirmer M. Young.
"Le ministère des Affaires indiennes et du développement du Nord travaille à l'élaboration d'une politique et d'une législation de réclamation des mines pour le Yukon depuis des années. Dans son propre livre vert de 1993, le ministère affirmait que les "coûts de réclamation, de fermeture et d'abandon approprié de sites miniers sont la responsabilité de la compagnie minière". Cependant, le gouvernement fédéral a failli dans la mise en oeuvre de ce principe et a laissé au public le soin de payer la note pour la négligence des compagnies" a déclaré M. O'Reilly.
Mines Alerte Canada est une coalition nationale de groupes d'intérêt public, y inclus des organisations pour la défense de l'environnement, des groupes autochtones, des syndicats, des Eglises et des groupes communautaires, qui sont préoccupés par les conséquences sociales et environnementales de l'exploration et du développement des activités minières au Canada, ainsi que du comportement des compagnies minières canadiennes à l'étranger.
Le Comité canadien des ressources de l'Artique met de l'avant des politiques environnementales, économiques et culturelles durables pour le grand Nord canadien. Avec des bureaux à Ottawa et à Yellowknife, le CCRA compte au-delà de 30 ans d'expérience dans le développement de politiques publiques pour le grand Nord.
La Société de conservation du Yukon est un organisme communautaire concerné par les questions environnementales basé à Whitehorse. La Société propose des pratiques durables dans l'utilsation des ressource naturelles du territoire par le moyen de l'éducation du public, de la pression politique et de la recherche, et ce depuis 1968, soit un an avant l'ouverture de la mine Faro.
Pour plus d'informations :
- Joan Kuyek, Coordinatrice nationale, Mines Alerte Canada, (613) 569-3439
- Kevin O'Reilly, Directeur de recherche, Comité canadien pour les ressources de l'Artique, (867) 873-4715
- Bob Van Dijken, Comité sur les mines, Société de conservation du Yukon, (867) 668-5678