Des délégués du Nord de la Grèce séjourneront au Canada du 26 au 31 mai 2013 afin de porter à l’attention de la population canadienne leurs inquiétudes relativement aux projets d’extraction minière d’Eldorado Gold à Skouries et sur la montagne de Perama. Les délégués grecs sont Vaggelis Lampakis, maire d’Alexandroupoli, Tolis Papageorgiou, activiste de la Chalcidique, et Maria Kadoglou, représentante de Hellenic Mining Watch.
Eldorado souhaite exploiter des mines d’or (en partie à ciel ouvert, en partie souterraines), qu’elle relierait à sa mine de plomb/zinc actuelle à Stratoni. L’entreprise prévoit utiliser la méthode du traitement en circuit fermé, et non la lixiviation en tas à l’air libre (cette technique, qu’elle emploie en Turquie, a causé des problèmes sérieux), mais l’impact de ces projets sur l’eau souterraine et l’eau de surface pourrait être énorme; de plus, les arbres devront être abattus sur un vaste territoire.
En décembre 2003, TVX Hellas S.A. a cédé à l’État grec l’actif de la mine Cassandra, dans la Chalcidique, pour la somme de 11 millions d’euros. Le même jour, cet actif a été vendu le même prix à Hellas Gold S.A., sans qu’il fasse l’objet d’une évaluation économique, ni d’un appel d’offres ouvert. Ont ainsi été vendus des concessions minières de 317 kilomètres carrés, 310 demeures, 11 000 mètres carrés de terrain urbain, des terres de 2,5 kilomètres carrés, des bureaux et immeubles industriels de 30 000 mètres carrés, 2 mines souterraines avec puits et tunnels, des systèmes de pompage, deux installations de traitement du minerai, des véhicules, et de la machinerie.
Aujourd’hui, Hellas Gold S.A. appartient à 95 % à l’Eldorado Gold Corporation – une entreprise de Vancouver, au Canada. La capitalisation boursière d’Eldorado se chiffre à 2,9 milliards de dollars américains, tandis que la valeur des minéraux à la Chalcidique est estimée à 19,9 milliards de dollars américains. Eldorado dit avoir doublé ses réserves depuis cinq ans; ses réserves prouvées et probables sont maintenant estimées à 25,7 millions d’onces d’or, et à 72,3 millions d’onces d’argent. L’entreprise prévoit produire 1,5 million d’onces de métal précieux par année d’ici 2015, grâce à un investissement de 1,7 milliard de dollars.
Selon la réglementation grecque, l’entreprise est pleinement propriétaire des minéraux couverts par les concessions accordées, et elle n’a à verser aucune redevance à l’État – c’est donc dire que ce projet n’apporte pas de sécurité économique à la région ou au pays. Dans le contexte actuel d’instabilité politique et d’austérité nationale, les autorités grecques ne sont guère tolérantes envers les manifestations d’opposition des citoyens de la région.
De plus, le projet d’Eldorado a été mis sur la « voie express » par le gouvernement grec. Il existe en effet une loi d’« approbation accélérée » des projets d’investissement considérés comme « stratégiques », loi qui raccourcit et simplifie la procédure de délivrance des permis. Les conventions nationales et internationales ne font plus obstacle à l’exploitation; les activités perturbatrices sont interdites dans les zones minières désignées; et les terrains privés peuvent être expropriés.
Eldorado projette de construire sur la montagne de Perama une mine d’or de 1 000 000 tonnes, à ciel ouvert, avec installations de lixiviation par cyanuration. Comme il s’agit d’un investissement privé, l’État n’en tirera aucun revenu non fiscal. Pourtant, ce projet est l’un des premiers à avoir obtenu ce nouveau traitement de la « voie express ».
Actuellement, les principales activités économiques de la région sont le tourisme et l’agriculture, deux secteurs qui pâtiront lourdement de ce projet d’exploitation minière. En mars 2012, c’est une forêt publique de 4,1 kilomètres carrés qui a été cédée à Eldorado en vue de la construction de la mine de Skouries. Des experts renommés, en Grèce, estiment que les activités minières de l’Eldorado Gold Corp. (Hellas Gold S.A.) entraîneront une vaste destruction irréversible du capital physique aux niveaux local, national et européen, ainsi qu’une altération violente du modèle de développement de la région. L’impact environnemental de l’exploitation minière est bien attesté par de nombreux organismes, et Mines Alerte a rassemblé des rapports solides qui révèlent que ces projets ont un effet désastreux sur les cours d’eux et entraînent la création de sites contaminés qu’il faut contrôler à perpétuité.
La mine de Skouries, sur la montagne Kakavos, est au cœur de l’opposition des habitants locaux. Une forêt publique exceptionnelle – et en partie ancienne – de plus de 340 hectares devra être rasée et remplacée par des installations minières, dont un puits large de 700 mètres et profond de 200 mètres, ainsi qu’un atelier de flottation et deux usines de traitement du résidu. Jusqu’à présent, ces 340 hectares ont été cédés à l’organisme par le gouvernement régional. Un autre secteur de 92 hectares, réservé à la deuxième usine de traitement du résidu, appartient non pas à l’État mais à un monastère du mont Athos. Les citoyens des villages des environs s’inquiètent particulièrement de l’alimentation en eau : c’est la montagne Kakavos qui possède les plus importantes réserves de la Chalcidique, où des pénuries d’eau arrivent parfois.
Ces préoccupations économiques et environnementales alimentent l’opposition à ces projets miniers. C’est dans la région de la Chalcidique et de la Thrace qu’Eldorado a commencé à creuser les puits à ciel ouvert et à abattre les arbres. Depuis la fin de 2011, l’opposition locale ne cesse de croître, sous le regard de la police.
Le silence du gouvernement grec n’a fait qu’exacerber la situation. En octobre 2012, la police a affronté plus de 2 500 manifestants; des arrestations illégales, des actes de brutalité gratuite et l’emploi d’une force excessive auraient caractérisé l’événement. Ces affrontements sont devenus de plus en plus fréquents à mesure que l’opposition à la mine s’est élargie. Les vidéos les plus récentes montrent que les policiers ont employé une force excessive pour déloger un groupe de femmes qui manifestaient pacifiquement, le jour de la fête des Mères (12 mai 2013), sur la route menant à la mine. De même, un groupe de manifestants qui s’opposaient à la coupe à blanc de la forêt ont vu débarquer la police anti-émeute. Des coups de feu auraient été entendus lors de ces affrontements, ce qui pourrait être un acte de provocation de la police, qui souhaiterait ainsi faussement accuser l’opposition de recourir à la violence armée.
Il est de plus en plus évident que la répression policière des manifestations entraîne une augmentation de la violence. Amnistie Internationale a exprimé son inquiétude quant à la détérioration de la situation et a demandé qu’on enquête sur le comportement de la police. Des policiers auraient poursuivi et battu sauvagement des manifestants pacifiques, tirés des grenades lacrymogènes dans les véhicules des contestataires, prélevé illégalement des échantillons d’ADN de « suspects », et arrêté des gens chez eux en plein milieu de la nuit.
L’ambassadeur du Canada auprès de la Grèce a exprimé publiquement la participation et l’appui du Canada au projet minier. Eldorado est une entreprise canadienne soutenue par des fonds canadiens. Le Régime de pensions du Canada (RPC) et le Régime de rentes du Québec (RRQ) ont investi des millions de dollars dans les activités minières d’Eldorado, et Exportation et développement Canada (EDC) est au nombre des grands prêteurs qui ont conclu récemment avec Eldorado une entente de crédit modifiée à l’appui des « projets de croissance et autres de l’entreprise ».