C’est pourquoi on dit non! : des femmes autochtones équatoriennes et défenseures des droits adressent un message d'inquiétud

Source:
MiningWatch Canada – Amnesty International Canada – KAIROS – Canadian Centre for Policy Alternatives

Toronto – Quatre militantes, en première ligne d’une lutte de plus en plus périlleuse pour protéger les droits humains et l’environnement en Équateur, se rendront au Canada la semaine prochaine. Celles-ci entendent dénoncer les pourparlers secrets visant à étendre les projets canadiens d’extraction de ressources dans des régions écologiquement vulnérables.

Au cours de la tournée « C’est pourquoi on dit non! », qui durera sept jours à compter du 29 septembre 2024, ces femmes autochtones et défenseures des droits rencontreront des chefs de gouvernement, des parlementaires, des négociateurs d’accords commerciaux, des dirigeants autochtones, des organisations de la société civile et la presse à Toronto, Ottawa et Montréal. Le coup d’envoi de cette tournée est donné avant le quatrième cycle de négociations commerciales. Ce dernier pourrait ouvrir la voie à de nouveaux investissements canadiens dans l’extraction de ressources en Équateur.

Le Canada s’est engagé à conclure un accord commercial inclusif, respectueux de la démocratie et des droits humains. Pourtant, il n’y a eu aucune consultation avec les Nations autochtones et les communautés rurales de l’Équateur, alors qu’elles font déjà état de graves abus liés à des projets canadiens actuels. Cet échec viole la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) que le Canada a signée et intégrée à son droit interne.

« Notre territoire, nos droits et nos vies sont en jeu dans cet accord commercial, et il est en train d’être négocié dans notre dos et sans notre consentement », déclare Zenaida Yasacama, membre de la délégation et vice-présidente de la Confédération des nationalités autochtones de l’Équateur (CONAIE), la plus grande organisation autochtone de l’Équateur. « Nous savons déjà par expérience le préjudice que causerait l’implantation de nouvelles minières canadiennes. C’est pourquoi nous venons au Canada pour demander d’urgence au gouvernement de reconsidérer un accord commercial qui ne fera qu’aggraver la situation des droits humains ».

Au moins 15 sociétés minières canadiennes sont actuellement présentes en Équateur. Nombre d’entre elles font l’objet d’allégations d’abus, notamment pour avoir mené des activités d’exploration sur des territoires autochtones sans consultation ni consentement et pour avoir collaboré avec les forces de sécurité de l’État afin de réprimer violemment les protestations sociales.

Solaris Resources fait partie des entreprises canadiennes qui font face à des allégations d’abus, alors qu’elle tente de faire avancer son projet, nommé Warintza, de mine de cuivre et d’or à ciel ouvert dans le territoire Shuar Arutam, en Amazonie équatorienne. Le Canada et l’Équateur doivent enquêter sur ces allégations, demander des comptes aux personnes jugées responsables et garantir des réparations aux communautés affectées.

« Nous subissons déjà de très graves conséquences sociales et environnementales. Nous sommes menacé.es, notre territoire est exproprié et je suis en danger pour avoir parlé », a déclaré Fanny Kaekat, déléguée au Canada au nom de l’Organisation du peuple autochtone Shuar Arutam et du Réseau des femmes de l’Amazone, un collectif de femmes issues de sept Nations autochtones de la région amazonienne. Alarmée, la militante ajoute que : « Le gouvernement équatorien ne nous a pas consulté.es et cache des informations sur ses négociations alors qu’il transforme nos territoires en zones de sacrifice ».

La délégation équatorienne est également préoccupée par le projet du gouvernement d’inclure le Règlement des Différends entre Investisseurs et États (RDIE) dans l’accord commercial entre le Canada et l’Équateur, à la demande de l’industrie minière. Le Règlement des Différends entre Investisseurs et État est une forme d’arbitrage privé sans obligation de rendre des comptes, et il permet aux investisseurs étrangers de poursuivre les gouvernements qui renforcent les protections en matière d’environnement ou de droits humains. De nombreux organes et experts des Nations unies ont recommandé que le RDIE ne soit pas inclus dans les nouveaux accords commerciaux et qu’il soit supprimé des accords existants, avertissant que la simple menace d’une action en justice de plusieurs millions ou milliards de dollars conduit à un refroidissement de la réglementation, entravant les efforts des États pour lutter contre le changement climatique et respecter leurs obligations internationales en matière de droits humains.

« Le RDIE est déjà interdit par la Constitution équatorienne et les citoyens ont voté par référendum en avril dernier pour réaffirmer cette interdiction », déclare Ivonne Ramos d’Acción Ecológica, la troisième organisation participant à la tournée canadienne. Elle ajoute que : « L’inclusion d’une disposition relative au RDIE dans cet accord commercial limiterait considérablement la capacité de l’Équateur à gouverner dans l’intérêt de tous les Équatorien.nes, créant ainsi un grave précédent de non-respect de la Constitution et de la volonté du peuple ».

Comme tous les membres de la délégation équatorienne au Canada, Hortencia Zhagüi représente des mouvements de plus en plus nombreux à travers l’Équateur pour renforcer la démocratie, défendre les droits des Autochtones et des campesinos (paysans), et protéger l’eau et la biodiversité à une époque où la crise climatique ne cesse de s’aggraver. Hortencia Zhagüi, qui représente l’École d’agroécologie et le Conseil des administrateurs de l’eau potable de Victoria del Portete et Tarquí, participe aux efforts déployés par les communautés pour protéger une zone humide de haute altitude des dommages causés par Dundee Precious Metals, une société minière canadienne. Une étude indépendante réalisée en 2022 a révélé que le projet de mine d’or de Loma Larga proposé par la société était une « bombe à retardement » en raison de la potentielle contamination par l’arsenic de ce bassin hydrographique extrêmement sensible et important.

« Cet accord de libre-échange menace d’accroître les investissements miniers canadiens dans la région, ce qui met gravement en péril la santé de ces zones humides uniques de haute altitude, la biodiversité qu’elles abritent et les milliers de personnes qui dépendent de l’eau qu’elles fournissent », précise Mme Zhagüi, avant de déclarer que : « De la même manière que l’eau traverse les frontières, les ramifications de cet accord commercial s’étendront bien au-delà des frontières de nos deux pays. Toutefois, si nous nous unissons, nous pourrons l’arrêter avant qu’il ne soit trop tard. »

Le Canada est le premier investisseur étranger en Équateur, avec plus de 1,8 milliard de dollars investi dans le seul secteur minier. Les importants changements de règlements opérés au cours des dernières années ont cherché à faire de l’Équateur une destination de choix pour l’industrie minière canadienne, et cet accord commercial représente une étape décisive dans l’approfondissement des relations bilatérales entre les deux pays.

L’adoption d’une ligne sécuritaire dure, de politiques militarisées et de décrets exécutifs a généré de grands défis pour la défense des droits humains. Les défenseur.es des droits humains sont confronté.es à des risques de sécurité et à un environnement hostile, en particulier ceux et celles qui travaillent à la protection de la terre, du territoire et de l’environnement, s’opposant à l’impact des entreprises extractivistes.

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  • Cory Ruf, responsable des médias, Section canadienne (anglophone) d'Amnesty International, +1-647-269-1795, [email protected] 
  • Viviana Herrera, MiningWatch Canada, +1 (438) 993-1264, [email protected]
  • Cheryl McNamara, coordonnatrice des communications, KAIROS Canada, +1-416-875-0097, [email protected]   
  • Amanda Klang, spécialiste principale de la communication, Centre canadien de politiques alternatives, +1-514-996-3515, [email protected]   
     

ITINÉRAIRE

La tournée C’est pourquoi on dit non! commence à Toronto, où les déléguées de l’Équateur rencontreront des dirigeants autochtones et des organisations de la société civile canadienne, en plus de s’entretenir avec des journalistes. Du 1er au 3 octobre, la délégation sera à Ottawa pour rencontrer des députés, des comités parlementaires et des dirigeants gouvernementaux, dont l’ambassadrice du Canada pour les femmes, la paix et la sécurité, le négociateur en chef du Canada dans les négociations commerciales entre le Canada et l’Équateur, ainsi que des représentants des ministres des Affaires étrangères et du Commerce international. Une conférence de presse aura lieu sur la Colline du Parlement le 2 octobre (heure à confirmer, Amphithéâtre national de la presse, salle 325, 180 rue Wellington). La délégation rencontrera également des syndicats et prendra parole lors d’une réunion publique dans la soirée du 3 octobre au siège de l’Alliance de la fonction publique du Canada (19 h HAE, 6e étage, 233 rue Gilmour). La tournée s’achèvera à Montréal, où les déléguées s’entretiendront avec les parties prenantes québécoises et les médias francophones. Elles prendront la parole lors d’une réunion publique le 4 octobre dans l’Auditorium de la Confédération des Syndicats Nationaux (CSN), Centre international de solidarité ouvrière (1601, avenue de Lorimier, Montréal).

La tournée est soutenue par cinq organisations canadiennes renommées dans les domaines des droits humains, de la justice environnementale et du travail : Amnesty international Canada, le Centre canadien de politiques alternatives, le Congrès du travail du Canada, MiningWatch Canada et KAIROS : Initiatives canadiennes œcuméniques pour la justice. Treize syndicats canadiens et organisations de la société civile soutiennent la visite.

CITATIONS À L’APPUI :

« Le Canada a l’obligation de veiller à ce que ses accords commerciaux ne portent pas atteinte aux droits humains, notamment aux droits des peuples autochtones et des autres communautés historiquement marginalisées. Dans un contexte de violations généralisées des droits humains en Équateur, en particulier dans les communautés affectées par l’exploitation minière, nous sommes profondément préoccupé.es par le fait que les négociations commerciales entre le Canada et l’Équateur et la promotion de l’exploitation minière canadienne en Équateur menacent d’aggraver une situation déjà difficile. Nous demandons instamment au gouvernement canadien de donner suite à nos appels répétés en faveur d’une évaluation indépendante de l’impact sur les droits humains » – Ketty Nivyabandi, secrétaire générale de la section canadienne d’Amnesty International (anglophone)

« L’engagement des gouvernements de Daniel Noboa et Justin Trudeau à conclure un accord commercial « inclusif » cette année sonne creux. L’accord prévu ne devrait générer que de maigres gains commerciaux réels pour les deux pays - de l’ordre de quelques millions de dollars - et vise clairement, au contraire, à stimuler les intérêts miniers et agricoles canadiens en Équateur tout en verrouillant des réformes économiques impopulaires qui profitent aux élites équatoriennes. » –  Stuart Trew, chercheur principal, Centre canadien de politiques alternatives

« Les femmes, les enfants et les personnes à orientation sexuelle non normative, en particulier les Autochtones et les Afrodescendant.es, sont les plus durement touché.es par l’extraction des ressources. Ces personnes sont souvent déplacées, souffrent de la destruction des savoirs ancestraux autochtones et subissent diverses formes de violence sexiste et sexuelle liées à l’afflux de travailleurs masculins dans leurs communautés. Contrairement à certains mythes, elles voient leur prospérité économique diminuer et sont exposées à des maladies graves lorsqu’elles manipulent de l’eau contaminée, qu’elles utilisent pour les travaux domestiques. Bien que rarement consultées sur les projets miniers proposés, les femmes s’expriment généralement en tant que leaders dans la défense de la terre et de l’eau, ce qui les rend plus vulnérables aux représailles violentes. » – Silvia Vasquez-Olguin, coordinatrice des partenariats mondiaux pour l’Amérique latine et la justice de genre - KAIROS : Initiative canadienne œcuménique pour la justice

« Le peuple équatorien connaît de première main les préjudices que les sociétés minières canadiennes peuvent causer à ses communautés, car il est confronté à des projets imposés par la violence, la militarisation et l’absence de consentement. Un accord de libre-échange entre le Canada et l’Équateur signifie davantage d’exploitation minière avec des protections minimales pour les communautés et l’environnement, et sans aucun mécanisme au Canada permettant de tenir les entreprises responsables des abus. » –  Viviana Herrera, coordinatrice du programme Amérique latine, MiningWatch Canada

BIOGRAPHIES DES DÉLÉGUÉES                    

Fanny Kaekat dirige actuellement les affaires extérieures du peuple Shuar Arutam (PSHA) et est membre fondatrice de l'association Amazonian Women Defenders of the Jungle. Ces défenseures ont été menacées et attaquées en toute impunité pour avoir défendu leur territoire ancestral, la nature, la santé de leurs communautés et la sécurité des femmes et des filles. En février, le PSHA a déposé une plainte auprès de la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique contre Solaris Ressources et son projet minier Warintza en territoire Shuar.

Hortencia Zhagüi représente les systèmes d'eau potable Victoria del Portete et Tarqui. Les communautés autochtones et paysannes qui composent l'organisation sont confrontées aux risques que représentent les sociétés minières canadiennes dans le Páramo de Kimsakocha, une zone humide andine de haute altitude qui fournit de l'eau à des dizaines de milliers de personnes et qui est essentielle à la conservation de la biodiversité. Hortensia est également membre de l'école d'agroécologie des femmes de Kimsakocha, qui promeut la souveraineté alimentaire.

Zenaida Yasacama du peuple ancestral Kichwa de Pakayaku et vice-présidente de la Confédération des nationalités autochtones de l'Équateur (CONAIE). La CONAIE est la plus grande organisation de défense des droits autochtones en Équateur. Le 2 juillet, la CONAIE a présenté à l'Assemblée nationale un projet de loi sur la consultation libre, préalable et informée en vue d'obtenir le consentement correspondant pour les projets menés sur les territoires des communautés autochtones. Récemment, l'équipe de Zenaida a participé à une campagne réussie de protection de la réserve de biosphère de Yasuní.

Ivonne Ramos travaille avec Acción Ecológica, une organisation de défense de l'environnement et des droits humains fondée en 1986, et est membre de l'Alianza por los Derechos Humanos de Ecuador. Ivonne travaille à la protection des défenseurs de la nature et accompagne les processus de défense territoriale menés par des femmes, en les rendant visibles auprès des organismes locaux, nationaux et internationaux. Elle est membre du Réseau latino-américain des femmes défenseures des droits sociaux et environnementaux et de Saramanta Warmikuna, un réseau de femmes défenseures de la nature. 

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