(Ottawa/Toronto) Un nouveau rapport d’analyse basé sur des documents internes obtenus du ministère canadien des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (MAECD) conclut que des diplomates canadiens n’ont fait aucun effort pour obliger la minière canadienne Excellon Resources à respecter les droits de la personne et des travailleurs au Mexique, ce qui est contraire à la politique canadienne. L’appui unidrectionnel de l’ambassade canadienne en faveur de la minière a contribué à exercerber le climat de conflit et a mené à la répression des travailleurs et des manifestants mexicains.
Le rapport de MiningWatch Canada et du Syndicat des Métallos se fonde sur un examen minutieux d’environ 250 pages de documentation obtenue du MAECD par l’entremise de la loi sur l’accès à l’information. Il porte sur une période de conflits et de répression importante entre les mois de juillet et d’octobre 2012.
Les propriétaires mexicains des terres de l’Ejido La Sierrita et les travailleurs de la section 309 du syndicat national des mineurs du projet minier La Platosa, de la compagnie Excellon Rsources, ont tenu une manifestation pacifique pendant plusieurs mois en 2012, après avoir déposé en vain deux plaintes formelles au gouvernement canadien concernant des violations sérieuses des drois de la personne, des travailleurs et des droits territoriaux.
L’ambassade canadienne au Mexique était consciente des plaintes et du climat de tension accrue face au projet de la minière canadienne. Elle était également consiente du refus de la minière Excellon d’engager tout dialogue avec les travailleurs et la collectivité. Malgré cette situation explosive, des diplomates canadiens ont sciemment partager avec la minière des informations confidentielles obtenues de la part des membres de la collectivité et de leur avocat, sans leur consentement. L’ambassade canadienne a également aidé l’entreprise minière à forger des liens de haut niveau avec les autorités mexicaines, ce qui a finalement mené à une répression violente des manifestations en août 2012.
« L’ambassade canadienne n’a jamais exigé que la minière Excellon respecte la politique canadienne et les normes internationales en matière du respect des droits de la personne et des travailleurs. L’appui unilatéral de l’ambassade strictement en faveur des intérêts économiques de la minière Excellon démontre clairement la pente dangeureuse sur laquelle est engagée le gouvernement canadien en matière de responsabilité sociale des entreprises canadiennes à l’international », dénonce Ken Neumann, directeur canadien pour le Syndicat des Métallos.
La veille même de l’assaut mené par plus de 100 policiers et militaires mexicains sur les manifestants, un diplômate canadien avertit l’un des hauts dirigeants de la minière et lui offre « ses meilleures pensées » pour la suite.
« L’attitude de l’ambassade canadienne est consternante, stupéfiante, inacceptable, d’autant plus dans un pays comme le Mexique, où les répressions violentes des autorités publiques contre les manifestants, les journalistes et la population sont fréquentes et connues de tous. Le cas d’Excellon renforce encore une fois la nécessité de dénoncer et de revoir la politique canadienne –qualifiée de « diplomatie économique » dans le dernier Plan d’action du gouvernement canadien– afin d’éviter que le Canada ne se retrouve complice d’autres violations de droits de la personne à l’international », insiste Jen Moore, coordonnatrice du programme d’Amérique latine de MiningWatch Canada.
L'étude entier est disponible en espagnol comme Las entrañas de la complicidad canadiense: Excellon Resources, la Embajada de Canadá, y la violación de los derechos laborales y a la tierra en Durango, México et en anglais comme Unearthing Canadian Complicity: Excellon Resources, the Canadian Embassy and the Violation of Land and Labour Rights in Durango, Mexico. Le sommaire executif en français est inclus ici-dessous.
Les documents officiels sont disponibles au moyen de Scribd.
Information :
- Jen Moore, MiningWatch Canada, [email protected], 613-569-3439 (anglais, espagnol)
- Ugo Lapointe, MiningWatch Canada, [email protected], 514-708-0134 (français, anglais)
- Bob Gallagher, Syndicat des Métallos, 416 544-5966 ou 416 434-2221 (cellulaire)(français, anglais)
Mise au jour de la complicité du Canada : Excellon Resources, l’ambassade canadienne et la violation des terres et des droits des travailleurs à Durango (Mexique)
Sommaire exécutif
Des documents provenant du ministère canadien des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (MAECD) et faisant suite à une demande d’accès à l’information révèlent la complicité de l’ambassade canadienne au Mexique dans les efforts de la société minière Excellon Resources de Toronto pour éviter de remédier aux violations de son contrat avec la communauté paysanne Ejido La Sierrita relativement à l’utilisation des terres lui appartenant dans l’État de Durango, où la société exploite la mine La Platosa. Ces documents témoignent de la tolérance, et même du soutien, de l’ambassade à l’égard de la violente répression par l’État d’une manifestation pacifique qui a eu lieu pendant l’été de 2012.
L’analyse approfondie du comportement de l’ambassade canadienne au Mexique nous donne une bonne indication de la façon dont les missions canadiennes fonctionnent à l’étranger, le Mexique étant la principale destination pour l’investissement minier canadien hors du pays et un lieu de conflits fréquents entre les communautés et les travailleurs et les sociétés minières canadiennes. Il importe aussi de mieux comprendre le comportement de l’ambassade compte tenu que le gouvernement canadien a officiellement déclaré la «diplomatie économique» comme constituant un élément central de son Plan d’action sur les marchés mondiaux et indiqué que son corps diplomatique tout entier était au service des intérêts privés.
La correspondance et les notes d’information de l’ambassade provenant du MAECD ont trait à la période de juillet à novembre 2012, pendant laquelle l’Ejido La Sierrita, après avoir épuisé les voies formelles à sa disposition pour porter plainte au Canada tout en continuant de demander à l’entreprise au Mexique de dialoguer, s’est opposée pacifiquement à l’exploitation de la mine d’argent, de plomb et de zinc d'Excellon. Deux plaintes déposées au Canada en 2011 et 2012 décrivent comment Excellon a violé le contrat d’utilisation des terres et les droits des travailleurs. Durant la période à l’étude dans le présent rapport, les autorités canadiennes à Ottawa et l’ambassade au Mexique possédaient donc énormément d’information sur ce conflit.
L’examen de la documentation divulguée a mené aux observations suivantes :
- Il existait un important échange de communications entre l’ambassade et la direction d’Excellon, notamment une intention claire de la part de l’ambassade d’échanger avec l’entreprise des informations recueillies auprès des membres de la communauté et de leurs conseillers juridiques sans leur consentement.
- Toute la correspondance entre Excellon et l’ambassade est rédigée dans un ton amical et coopératif.
- L’ambassade a activement aidé l’entreprise en exerçant des pressions auprès d'importants dirigeants mexicains.
- Malgré le taux élevé de répressions violentes qu’exercent les forces armées de l’État au Mexique, l’ambassade a accepté le recours à la répression contre les manifestations pacifiques de l’Ejido La Sierrita. Un délégué commercial a même souhaité bonne chance à la société la nuit avant que la police et les forces armées ne s’attaquent au campement que les membres de l’Ejido avaient installé sur des terres privées.
- Pendant tout ce temps, l’ambassade a fait preuve d’un silence assourdissant à l’égard des préoccupations sur la conduite d’Excellon et son refus de remédier aux plaintes répétées des travailleurs et de la communauté par le dialogue et la négociation.
- Dans les 244 pages de documentation que le MAECD a fournies, il n’existait aucune preuve à l’effet que l’ambassade ait exhorté Excellon à dialoguer avec l’Ejido, résoudre les problèmes sociaux et environnementaux en suspens, faire preuve de respect envers la liberté d’association de ses travailleurs, respecter leurs droits de manifester pacifiquement, éviter de réprimer une manifestation pacifique par les armes ou d’utiliser une force disproportionnée, alors qu’elle savait que les forces armées expulseraient la communauté manifestante.
L’étude renforce notre préoccupation voulant que les missions canadiennes promeuvent et protègent les intérêts des sociétés minières canadiennes au détriment des droits individuels et collectifs des communautés et des travailleurs, jetant la lumière sur la façon dont la politique sur la «diplomatie économique» du gouvernement canadien pourrait entraîner des abus.
L’ambassade a témoigné d’un empressement à faciliter les relations de haut niveau qui ont mené au saccage de la propriété de la communauté et mis la sécurité de cette dernière en danger afin que la mine puisse poursuivre ses activités, sans veiller à ce que la société respecte ses engagements contractuels, les lois du domaine du travail et les normes relatives aux droits de la personne.
De plus, l’absence de mécanismes de responsabilisation de l’État canadien pour remédier aux abus est flagrante. L’inefficacité des mécanismes de plaintes volontaires au Canada fait partie de la culture d’impunité selon laquelle les sociétés minières exercent leurs activités au Mexique et partout dans le monde; elle permet également aux sociétés d’adopter un tel comportement et de s’en tirer, alors que les communautés et les travailleurs sont laissés sans pratiquement aucun moyen efficace de voir leurs griefs traités de manière convenable.
Ce qui est d’autant plus troublant est l’omission, de la part de l’ambassade, d’insister pour la protection des droits fondamentaux de la personne au nom de la communauté et des travailleurs, sachant qu’une répression armée serait à l'avantage de la société. Une telle situation est inacceptable dans le contexte d’un pays comme le Mexique, où les forces armées de l’État sont impliquées dans des niveaux scandaleux de violence, y compris des disparitions forcées, de la torture et des meurtres.
Faisant fond sur notre analyse du comportement unilatéral de l’ambassade canadienne au Mexique, qui a commencé avec l’examen du rôle de l’ambassade dans le cas de Blackfire Exploration au Chiapas, de 2007 à 2010, cette étude illustre encore davantage comment le gouvernement canadien fait partie du problème que pose le secteur minier à l’étranger. Plutôt que d’encourager les sociétés canadiennes à respecter les lois et faire preuve de respect, le gouvernement canadien autorise et défend les activités des entreprises dans le but d’avantager économiquement quelques sociétés privilégiées, alors que le bien‑être des communautés, des travailleurs et de l’environnement est mis en danger.
- Mines Alerte Canada et le Syndicat des Métallos, février 2015.