Des organismes autochtones guatémaltèques déposent une plainte à la Commission inter-américaine des droits de l’Homme contre la Loi sur les mines

Source:
Western Peoples' Council (CPO) - Network in Solidarity with the People of Guatemala (NISGUA) - MiningWatch Canada – Center for International Environmental Law (CIEL)

(Ville de Guatemala/Ottawa/Washington) Le 3 septembre, le Conseil des peuples de l’Ouest (CPO), qui regroupe des organisations mayas du Guatemala, a déposé une pétition à la Commission interaméricaine des droits de l’Homme (CIDH) alléguant que la Loi sur les mines du pays fut approuvée sans le consentement préalable de ses membres, comme le requiert les législations nationales et internationales. La CIDH est le dernier recourt du CPO, qui a épuisé tous les recours nationaux pour mettre fin aux violations qui résulte de la législation minière actuelle.

Le CPO a d’abord contesté la constitutionnalité de la Loi sur les mines de 1997 par une poursuite déposée à la Cour constitutionnelle du Guatemala. En mars 2013, la Cour constitutionnelle a toutefois maintenu la Loi sur les mines, entrant en contradiction avec les obligations légales du Guatemala de consulter les peuples autochtones avant l’approbation de politiques qui auront d’importantes conséquences sur leurs territoires.

« Nous croyons que cette décision de la Cour constitutionnelle est illégale et contradictoire, étant donné que la même Cour a statué en 2011 que la consultation était un droit constitutionnel des peuples autochtones au Guatemala. Les peuples autochtones n’ont pas été consultés par rapport à la Loi sur les mines, malgré son incidence sur notre mode de vie et l’engagement de l’État à respecter les droits collectifs des peuples autochtones sous les instruments juridiques internationaux comme la Convention 169 de l’Organisation internationale du Travail, » a déclaré Lucia Xiloj, avocate et membre de l’équipe légale du CPO.

Avec plus de 360 permis d’exploitation minière accordés et plus de 600 en attente, le secteur minier du Guatemala est mis à l’avant scène à cause des conflits et de la violence en croissance à travers le pays. Le manque de respect, autant à l’échelle des projets et des politiques, pour le consentement préalable et éclairé des communautés affectées est à la base de ces conflits.

Près d’un million de personnes ont voté contre des projets miniers sur leurs territoires lors de référendums tenus dans 78 communautés à travers le Guatemala depuis 2005. Un sondage publié en janvier 2013 a de plus démontré que près de 66% des Guatémaltèques sont opposés aux projets miniers. Ni le gouvernement ni les compagnies minières n’ont toutefois respecté les décisions des communautés; au contraire, la répression contre l’opposition aux mines s’est intensifiée.

« Le conflit, dont la base est la violation du droit de consultation, a entrainé des attaques ciblées et des morts, ainsi que la criminalisation et la persécution de leaders communautaires, » a déclaré Lolita Chavez, membre du CPO et signataire de la plainte déposée à la CIDH.

Selon l’Entente sur l’identité et les droits des peuples autochtones des Accords de paix du Guatemala, la Convention américaine relative aux droits de l’Homme, la Convention 169 de l’Organisation internationale du Travail et la Déclaration sur les droits des peuples autochtones des Nations Unies, le Guatemala a l’obligation de respecter le droit des peuples autochtones au consentement libre, préalable et éclairé en regard de tout projet qui pourrait avoir un impact négatif sur eux, ainsi que de les consulter avant d’adopter des lois ou des initiatives administratives qui pourraient affecter leurs droits.

« Une réponse favorable de la Commission inter-américaine sur ce cas est d’importance vitale, puisque l’actuelle Loi sur les mines a permis à des compagnies minières canadienne et états-uniennes en particulier d’exploiter les territoires autochtones sans aucune considération pour les processus de prise de décisions des peuples autochtones quant à leurs terres et à leurs ressources, » a déclaré Kris Genovese, avocate principale au Center for International Environmental Law, à Washington D.C.

Le Conseil des peuples de l’Ouest est une coalition d’autorités et d’institutions autochtones de sept départements du Guatemala. La plainte déposée à la CIDH a 32 signataires, représentant 8 groupes autochtones qui forment le Conseil des peuples de l’Ouest. Chaque signataire a été élu lors d’assemblées communautaires ayant eu lieu dans les semaines précédant le dépôt.

Contacts

  • (En français) Marie-Dominik Langlois, paqg(at)paqg.org, (514)756-6966
  • (En anglais) Ellen Moore, NISGUA, ellen(at)nisgua.org, (510) 868-0612
  • Jen Moore, MiningWatch Canada, jen(at)miningwatch.ca, (613) 569-3439
  • Amanda Kistler, Center for International Environmental Law, akistler(at)ciel.org, (202) 742-5832

Contexte

En mai dernier, l’armée a été envoyée dans des communautés autochtones et non-autochtones dans la région du projet minier d’argent Escobal de Tahoe Resources, au sud de la ville de Guatemala, à la suite de violences croissantes dans la région. Parmi celles-ci, une fusillade contre des protestataires manifestant pacifiquement à l’extérieur du site de la mine. Le chef de la sécurité de la compagnie et son conseiller attendent présentement leur procès pour leur implication présumée dans le commandement de l’attaque et la dissimulation subséquente de preuve.

Tahoe Resources est une compagnie dérivée de Goldcorp, laquelle a vendu le projet Escobal à Tahoe en 2010 et possède maintenant 40% des actions de Tahoe et plusieurs postes sur son conseil d’administration. La mine Marlin de Goldcorp, dans les hautes-terres du nord-ouest du Guatemala, a été la source de tensions continuelles en regard au manque de respect pour les droits et les terres autochtones, ainsi que des impacts sur l’approvisionnement en eau et sur la santé publique.

Depuis près d’un an et demi, des membres de la communauté La Puya, au nord de la ville de Guatemala, bloque pacifiquement l’entrée au projet minier Tambor, présentement possession de Kappes Cassidy & Associates, lesquels ont repris en août 2012 le projet de Radius Gold, basée à Vancouver, suite à la tentative d’homicide par arme à feu de Yolanda Oquelí. Les membres de la communauté s’opposant au projet ont fait face à des menaces répétées par des travailleurs de la compagnie durant les dix derniers mois, malgré le début d’un dialogue de haut-niveau avec le gouvernement en juin.

En août dernier, Rights Action rapportait que des plaignantes faisait face à de l’intimidation et à du harcèlement pour avoir déposé trois poursuites contre Hudbay Minerals, basée à Toronto, par rapport au viol collectif d’un groupe de femmes lors d’une éviction forcée en 2007 et à des fusillades dans la municipalité de El Estor en 2009. Les poursuites ont lieu dans une cour de l’Ontario et marque la première admission au Canada d’un cas d’abus présumés des droits de la personne commis par une filiale étrangère.