(Ottawa) Un nouveau rapport révèle l’ampleur dramatique de la stratégie en matière de sécurité militarisée que la minière canado-américaine Tahoe Resources a élaborée pour juguler l’opposition de la communauté à son projet Escobal dans le sud-est du Guatemala. Dans son rapport intitulé « Under Siege: Peaceful Resistance to Tahoe Resources and Militarization in Guatemala », le journaliste d’enquête guatémaltèque, Luis Solano, révèle le réseau de relations et de tactiques qui ont conduit à la militarisation des communautés agricoles dans la région où l’entreprise opère.
« Dès le départ, Tahoe Resources a embauché un entrepreneur américain spécialisé en sécurité et en défense qui se vante de son expérience au sein de sociétés travaillant dans des régions en guerre comme l’Irak et l’Afghanistan pour mettre au point un plan sur la sûreté qui traite des manifestants communautaires pacifiques comme s’il s’agissait d’insurgés armés », remarque M. Solano.
« Travaillant main dans la main avec un gouvernement militaire au Guatemala et d’autres intervenants stratégiques au niveau local et national, un état de peur et de terreur a été créé localement dans le but de diviser et d’affaiblir la grande opposition au projet minier de cette entreprise ».
Parmi certaines des tactiques utilisées par les forces de sécurité privées et publiques contre les communautés opposées au projet de l’entreprise en raison de leurs inquiétudes quant aux répercussions éventuelles sur l’eau, la santé et l’agriculture, notons :
- La société et d’autres intervenants ont logé des contestations constitutionnelles contre les plébiscites locaux portant sur l’exploitation minière
- Quelques centaines de personnes ont été persécutées légalement, pour ensuite être absous de toutes les accusations, faute de preuves
- Cédant aux pressions exercées par la société pour protéger ses intérêts, le gouvernement guatémaltèque a mis sur pied un « projet pilote interinstitutionnel » dans la municipalité où se trouve la mine, caractérisant ceux qui s’opposent à l’exploitation minière comme représentant une menace à la sécurité nationale. Aux yeux des résidents, cela constitue un exercice de collecte de renseignements militaires
- Plus d’une fois, des manifestations pacifiques ont été violemment réprimées par les forces policières et de sécurité privée. Le 27 avril 2013 en particulier, des gardes de sécurité privée ont tiré sur des manifestants qui protestaient pacifiquement devant la mine, blessant sept hommes
- Quelques jours après la fusillade du 27 avril, le gouvernement guatémaltèque a décrété l’état de siège dans la région. Les domiciles de dirigeants communautaires opposés à la minière ont été perquisitionnés. Plusieurs personnes ont été emprisonnées pendant des mois, puis relâchées
- Le « projet interinstitutionnel » se poursuit. Deux avant-postes militaires se trouvent toujours dans la région.
Les sept hommes blessés au cours de l’attaque du 27 avril ont traduit Tahoe Resources devant les tribunaux de la Colombie-Britannique pour négligence et voies de fait et pour avoir implicitement ou explicitement joué un rôle dans l’attaque. Lundi, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a refusé la compétence sur l’affaire, concluant que le Guatemala serait l’endroit le plus approprié pour entendre la cause.
« Ce rapport se fonde en partie sur la documentation soumise au tribunal de la Colombie-Britannique qui fournit des preuves considérables à l’effet que Tahoe Resources a collaboré avec des groupes de sécurité prêts pour la guerre, et non pas pour des communautés qui manifestaient pacifiquement contre les menaces à leur eau et à leurs exploitations agricoles », remarque Jen Moore, coordonnatrice du programme de l’Amérique latine chez Mines Alerte Canada.
« Il est extrêmement décevant que le juge ait rejeté l’affaire, sans tenir compte des dynamiques de pouvoir à l’œuvre ou sans se demander si l’embauche d’un entrepreneur américain spécialisé en défense pour aider à construire une mine au Guatemala rural, parmi d’autres agents formés à la contre-insurrection, serait susceptible d’établir les conditions du genre de violence qui a eu lieu en 2013 ».
Le rapport est disponible en version condensée ou intégrale. Luis Solano est présentement en visite à Ottawa, à Toronto et à Montréal pour discuter du rapport. Il se fera disponible aux médias.
Renseignements :
- Jen Moore, coordonnatrice du programme de l’Amérique latine, jen(at)miningwatch.ca, (613) 722-0412 (cellulaire)