Le Canada n'a-t-il pas protégé un défenseur des droits humains assassiné pour s'être opposé à une mine canadienne au Mexique ?

Source:
MiningWatch Canada

Une nouvelle plainte déposée auprès de la Commission interaméricaine des droits de l'homme plaide en faveur de la responsabilité juridique du Canada pour les violations des droits humains liées à ses sociétés minières à l'étranger.

OTTAWA, le 5 juin 2023 - N'ayant trouvé aucun moyen d'obtenir justice au Canada, la famille du défenseur de l'environnement mexicain assassiné Mariano Abarca a déposé une plainte inédite contre le Canada auprès de la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH).

La plainte allègue que le Canada a manqué à ses obligations internationales en matière de droits humains, lorsqu'il a fait pression sur les autorités mexicaines pour qu'elles fassent avancer un projet minier canadien alors qu'il était au courant des menaces qui pesaient sur la vie de Mariano. Depuis, le Canada n'a pas enquêté sur les actes répréhensibles commis par les fonctionnaires de l'ambassade du Canada qui, par leur soutien indéfectible et leur lobbying persistant en faveur de la société minière canadienne, ont pu mettre la vie de Mariano en plus grand danger. C'est la première fois qu'une ambassade canadienne est épinglée par la CIDH pour ses actions dans un autre pays.

Leader communautaire, Mariano Abarca a participé activement au mouvement de protection des droits de la communauté dans le cadre du projet minier "Payback", une mine de barytine appartenant à Blackfire Exploration Ltd ("Blackfire") qui a été exploitée dans sa ville natale de Chicomuselo, au Chiapas, entre 2007 et 2009. Après avoir reçu des plaintes de Blackfire concernant l'opposition de la communauté autour de la mine, une délégation de haut niveau de l'ambassade canadienne s'est rendue au bureau du gouverneur au Chiapas pour "défendre" Blackfire en octobre 2009. Sept semaines plus tard, le 27 novembre 2009, Mariano a été assassiné en plein jour devant le restaurant familial. Près de 14 ans plus tard, aucune enquête crédible sur son assassinat n'a été menée.

La plainte de la CIDH, déposée vendredi dernier par le Justice and Corporate Accountability Project (JCAP), s'appuie sur plus de 1 000 pages de rapports internes et de courriels de l'ambassade du Canada au Mexique, qui montrent que l'ambassade a joué un rôle crucial dans la mise en exploitation de la mine, mais n'a pas fait preuve de diligence raisonnable en matière de droits de l'homme avant de s'impliquer dans le projet.
"Le personnel de l'ambassade a travaillé en coulisses pour promouvoir les intérêts miniers de Blackfire, tout en sachant que Mariano était un défenseur des droits de humains menacé et que ses actions ou son inaction pouvaient accroître le risque réel pour sa vie", explique Leah Gardner, avocate du Justice and Corporate Accountability Project (JCAP). "Cette combinaison d'influence et de prévisibilité d'un préjudice grave a créé une obligation légale pour le Canada de faire ce qui était raisonnablement en son pouvoir pour éviter d'augmenter le risque pour sa vie et pour aider à le protéger".

En 2018, la famille de Mariano Abarca et ses partisans ont déposé une plainte auprès du commissaire à l'intégrité du secteur public (CISP) dans le but d'ouvrir une enquête pour déterminer si les actions et les omissions de l'ambassade du Canada ont exposé Mariano à un risque plus élevé. Le commissaire a refusé d'enquêter sur la conduite de l'ambassade dans cette affaire, et la Cour d'appel fédérale du Canada a confirmé cette décision. En janvier 2023, la Cour suprême du Canada a refusé l'autorisation d'interjeter appel de la décision, fermant ainsi la porte à toute enquête de la part du Canada. La plainte déposée aujourd'hui auprès de la CIDH tente de changer cela.

José Luis Abarca - le fils de Mariano - rejoint Esperanza Salazar du Réseau mexicain des personnes affectées par l'exploitation minière (REMA) à Ottawa cette semaine pour lancer la plainte contre le Canada, lors d'une visite soutenue par 15 organisations et coalitions de la société civile canadienne. "Le Canada a refusé d'enquêter pour déterminer si les fonctionnaires canadiens ont une quelconque responsabilité dans le meurtre de mon père", déclare José Luis Abarca. "Cette affaire est importante, non seulement pour ma famille, mais aussi pour tous les autres défenseurs des droits humains et de l'environnement dans le monde qui ont le malheur d'attirer l'attention des intérêts miniers canadiens.

Les investissements miniers canadiens au Mexique sont en augmentation. "À mesure que l'argent de l'exploitation minière canadienne arrive au Mexique, le risque de violence contre les défenseurs des droits de l'homme et de l'environnement qui s'opposent à ces projets augmente considérablement", déclare Esperanza Salazar. Les responsables canadiens doivent mettre cette question au premier plan".

Le Canada a récemment annoncé sa candidature au Conseil des droits humains des Nations unies pour le mandat 2028-2030, et en tête de liste de ses priorités figure "la recherche de la justice et de la responsabilité pour ceux qui sont en première ligne de la défense des droits humains”. Pour Viviana Herrera, coordinatrice du programme Amérique latine de MiningWatch Canada, le Canada a encore un long chemin à parcourir avant de prendre au sérieux la question de la responsabilité. "Les ambassades canadiennes continuent de jouer un rôle majeur dans la promotion des investissements miniers canadiens à travers le monde", déclare-t-elle. "Pourtant, elles se déchargent de toute responsabilité en matière de protection des personnes qui sont mises en danger par ces investissements canadiens. Nous attendons de la CIDH qu'elle prenne enfin cette affaire au sérieux, car le Canada ne l'a pas fait.

Documents :

Contacts :

  • Viviana Herrera, coordinatrice du programme Amérique latine, Mines Alerte Canada, [email protected], tél. 438-993-1264
  • Leah Gardner, avocate, Justice and Corporate Accountability Project (JCAP), [email protected]

Pour organiser des entretiens avec José Luis Abarca, Esperanza Salazar ou d'autres organisations de la société civile mexicaine, veuillez contacter Viviana Herrera (anglais, espagnol ou français).