Il y a huit ans, Mariano Abarca a été assassiné devant son restaurant familial à Chicomuselo, au Chiapas. Mariano Abarca, père de quatre enfants et membre fondateur du Réseau mexicain des personnes affectées par l’exploitation minière (REMA), a été tué en lien avec son leadership pour la lutte contre les impacts sociaux et environnementaux de la mine de barite Blackfire Exploration, exploitée pendant deux ans au Chiapas. Avant son assassinat, Mariano a reçu des menaces et des tentaives d'intimidation, y compris l’emprisionnement sans inculpation pendant huit jours sur la base d'allégations forgées de toutes pièces par des représentants de l'entreprise. Tous les suspects de son meurtre ont un lien avec la compagnie minière basée à Calgary, mais la famille Abarca n'a pas encore obtenu justice au Mexique ni au Canada.
En juin de cette année, la famille Abarca, avec le Centre des droits humains de l'Université autonome du Chiapas, Otros Mundos - Chiapas et REMA, a déposé une plainte contre le Mexique auprès de la Commission interaméricaine des droits humains. Ils allèguent que l'État mexicain est responsable de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour protéger la vie d'Abarca et de ne pas avoir mené d'enquête sérieuse, objective et impartiale sur son meurtre. La pétition soutient également que l'État mexicain s'est laissé influencer par les interventions répétées de l'Ambassade du Canada au nom de l'entreprise.
La requête signale des informations obtenues dans le cadre d'une demande d'accès à l'information et présentées dans un rapport publié par les Métallos, Common Frontiers et MiningWatch Canada qui démontre que le soutien de l'ambassade était essentiel pour mettre la mine en opération et gérer le conflit qui a rapidement éclaté lorsque les habitants locaux se sont fâchés à cause des impacts environnementaux et sociaux du projet. Selon la documentation obtenue, l'ambassade a suivi de près le conflit croissant, sans tenir compte des plaintes de Mariano Abarca et d'autres, non seulement relatives aux impacts environnementaux de la mine, mais aussi à des travailleurs armés agissant comme troupes de choc pour l'entreprise. Lorsque Mariano a été détenu pendant huit jours sans inculpation, l'ambassade a reçu 1 400 lettres du Canada et de toute l'Amérique latine exprimant une vive préoccupation pour sa sécurité. Mais ses communications avec les représentants de l'État mexicain, révélées dans le communiqué d'accès à l'information, visaient plutôt à protéger les intérêts de l'entreprise. Même après le meurtre de Mariano et après la fermeture de la mine pour des raisons environnementales, la documentation montre que l'ambassade a continué de soutenir l'entreprise en l'informant sur la façon de poursuivre l’État mexicain en vertu de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA).
La situation au Mexique et dans la région n'a fait que s'aggraver depuis l'assassinat de Mariano: les défenseurs de la terre et de l'environnement sont confrontés à des circonstances de plus en plus dangereuses pour défendre leur vie et leur bien-être et sont fréquemment persécutés et diabolisés dans la presse. Les recherches entreprises par le projet “Justice et reddition de compte des entreprises” ont révélé qu'entre 2000 et 2015, il y a eu au moins 44 morts, plus de 400 personnes blessées et plus de 700 cas de criminalisation relativement à 28 sociétés minières canadiennes présentes dans 13 pays d'Amérique latine. Dans cette étude, le Mexique a été considéré comme l'un des plus dangereux; et juste ce mois-ci, Victor et Marcelino Sahuanitla Peña ont été assassinés dans le contexte d'un conflit de travail à la mine de Torex Gold à Guerrero.
Les organisations signataires souhaitent exprimer leur solidarité avec les efforts de la famille Abarca, Otros Mundos - Chiapas, du Centre des droits humains de l'Université autonome du Chiapas et du REMA pour demander justice pour la criminalisation et le meurtre de Mariano Abarca et de tous ceux qui ont ont été assassinés, menacés, violemment déplacés, judiciairement persécutés, diabolisés ou dépossédés de leurs terres, de leur eau ou de leurs moyens de subsistance en raison du contexte d'impunité dans lequel opèrent les sociétés minières canadiennes au Mexique et dans une grande partie de la région. Ces organisations expriment également leur solidarité avec tous ceux et celles qui travaillent pour défendre leur eau, leur terre, leur vie et leur bien-être pour éviter que de tels dommages ne se produisent.
Dans cette optique, nous exhortons le gouvernement canadien à cesser d'intervenir au nom des entreprises opérant à l'étranger et à remplacer sa stratégie de responsabilité sociale des entreprises pour le secteur extractif par des mesures visant à assurer le respect fondamental du droit des peuples à l'autodétermination, au consentement libre, préalable et éclairé à toute activité minière conformément à l'engagement du Canada à mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Cela doit s'accompagner d'un accès effectif aux tribunaux canadiens pour les dommages personnels et collectifs, à des poursuites criminelles lors d’abus graves et un bureau indépendant d'ombudsman des droits humains doté de solides pouvoirs pour mener des enquêtes efficaces afin de réparer et de prévenir les dommages. Le modèle existant d'accords de protection des échanges et des investissements qui permet aux entreprises de poursuivre les gouvernements devant les tribunaux internationaux doit également être remplacé par un nouveau modèle de coopération et d'échange entre les nations qui place les personnes, les travailleurs et l'environnement au premier plan.
- Atlantic Regional Solidarity Network
- British Columbia Government and Service Employees' Union (BCGEU)
- Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL)
- Common Frontiers
- Conseil international de solidarité (CISO)
- Council of Canadians
- Canadian Union of Postal Workers (CUPW)
- L’Entraide Missionnaire
- Maritimes-Guatemala Breaking the Silence Network
- Mining Injustice Solidarity Network
- Mining Justice Alliance
- MiningWatch Canada
- PBI Canada
- Public Service Alliance of Canada (PSAC)
- United for Mining Justice
- United Steelworkers